Dans son dernier opus, Mourir peut attendre Daniel Craig raccroche avec panache, et pas mal de surprises, son smoking de l’espion le plus célèbre de la planète. En attendant de savoir qui sera le prochain 007, le comédien britannique de 53 ans a mouillé le tuxedo jusqu’au bout. Trois bonnes raisons de quitter la franchise la tête haute, en attendant le nom de son (sa ?) remplaçant(e).
Parce qu’il est temps :
– de tirer sa révérence, et qu’il le fait quand il est au top de sa forme… mais au bord de la retraite ! On le retrouve à pêcher le poisson en Jamaïque. Un départ nécessaire, comme l’a fait d’ailleurs Sean Connery à 53 ans après Les diamants sont éternels. Seul Roger Moore est resté au service de sa majesté jusqu’à 58 ans, après Dangereusement vôtre.
… et de laisser la place aux femmes. Daniel Craig l’a dit, il ne voit pas l’agent 007 être incarné par une femme. D’ailleurs, à la toute fin du générique était inscrit sur l’écran « James Bond reviendra ». Mais ce sont les femmes les vraies héroïnes de ce dernier opus : Madeleine (Léa Seydoux), dont le rôle prend (enfin) de l’épaisseur après son apparition dans Spectre, mais aussi Lashana Lynch, une espionne noire qui récupère son matricule, et l’excellente Ana de Armas, une nouvelle recrue, drôle et efficace. Phoebe Waller-Bridge, la scénariste de l’irrévérencieuse Flea Bag a été appelée à la rescousse pour muscler tout ça, et c’est réussi.
Parce qu’il ferme toutes les intrigues ouvertes pendant ces cinq films et ces quinze années à incarner l’espion imaginé par Ian Flemming. Son grand amour, Vesper Lynd (Eva Green et auparavant Ursula Andress en 1967), qui l’a trahi dans Casino Royale avant de mourir noyée ? Il va se recueillir sur sa tombe. Sa relation avec Madeleine ? Elle est le fil rouge de Mourir peut attendre, où l’on découvre, plus que dans les précédents films, un James Bond fragile, faillible, amoureux. Il règle aussi le sort de son dernier ennemi, incarné par Rami Malek. Tandis que l’organisation vénéneuse du Spectre est à nouveau convoquée.
… et se montre sous un nouveau jour, inédit en 70 ans d’aventures, et sans doute plus proche du véritable héros de Flemming. Dans Mourir peut attendre, l’espion se plie bien à quelques cabrioles, fusillades et gadgets concoctés par Q. Mais il a la paupière basse et le regard las. Au fond, l’espion est un romantique, qui n’a qu’une envie : s’installer avec la femme qu’il aime, fonder une famille. Dans son dernier rôle, Craig donne à cet opus une dimension crépusculaire ; c’est le point d’orgue d’un rôle porté à son incandescence, qui résonne encore longtemps après la fin du générique. Voici un épilogue en bonne et due forme aux accents de tragédie antique !
Parce qu’il faut renouveler la franchise la plus rentable du monde… pour qu’elle reste rentable ! D’ailleurs, on sent que les scénaristes ont voulu en mettre plein les yeux des fans, et le film, qui dure 2 h 43, est le James Bond le plus long – un peu trop – jamais sorti. Autre regret, son titre : après Meurs un autre jour, Vivre ou laisser mourir, Demain ne meurt jamais… Mourir peut attendre fait penser à un pastiche du grand James. Bref, il est temps de tourner la page. Pour reprendre le volant de l’Aston Martin, on cite régulièrement Tom Hardy ou Henri Cavill… Ou le beau Rege-Jean Page, le héros de La Chronique des Bridgerton. La période Craig, sa fougue et son regard acier, sont désormais un souvenir.
Claire Steinlen