Medusa

Un cri primal savoureux

Dès les premières minutes, Medusa nous agrippe. Les dissonances ensorcelantes de Siouxsie & the Banshees achèvent de nous glacer d’effroi. Et ce n’est que le début.

Anita Rocha da Silveira, après un court-métrage déjà sélectionné en 2012 à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes, et un premier long-métrage primé au Festival international du film de Rio et sélectionné à la Mostra de Venise, revient avec Medusa, une dystopie féministe, hypnotisante et décalée.

Si Medusa a été sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes et présenté au Toronto International Film Festival en 2021, c’est sans aucun doute parce que ce second film de la réalisatrice brésilienne laisse une empreinte rétinienne tenace et insidieuse. La scène d’ouverture pose l’ambiance et mérite, à elle seule, le déplacement. La référence à Orange mécanique, évidente, se déploie tout au long de ce film étrange, à la fois thriller psychologique et satire politique, jusqu’au point de bascule. Et des références, Medusa en regorge, les dissémine généreusement, par sa forme comme par son fond, pointant un doigt virginal et délicat sur les fake news, le fascisme, l’Église évangélique, la patriarchie ou les réseaux sociaux.

Medusa de Anita Rocha da Silveira. Copyright Wayna Pitch.

La réalisatrice signe une critique appuyée des injonctions sociales faites aux femmes, inspirée en partie par la violence, les fanatismes et les extrémismes rampants qui font de plus en plus de dégâts au Brésil. Dépassant sa stylisation audacieuse, réduisant à néant les attaques misogynes et leur narcissisme crasse, les actrices principales, émouvantes, parviennent à remplir le cadre et à traduire la folie et l’absurdité contemporaines. Mari Oliveira, comédienne confirmée et jeune scénariste, et Lara Tremouroux incarnent toutes deux, avec nuance, toute l’ambivalence de la jeunesse brésilienne d’aujourd’hui. La présence de l’actrice Bruna Linzmeyer, emblématique à plus d’un titre, sert de graal dans Medusa : elle représente la conquête ultime de l’histoire. Ancienne mannequin, personnalité lgbtqia+ iconique au Brésil et icône éminemment instagrammable, Linzmeyer porte sur les épaules, et jusqu’à la dernière seconde, le poids mythologique du film.

La bande-son, absolument féminine et particulièrement soignée, nourrit l’image avec générosité et inventivité. On frémit à plus d’un titre sur certaines des reprises, souvent transcendantes, toujours inquiétantes, comme House of the Rising Sun des Animals ou Wishing on a Star, interprétée par Mari Oliveira.

Sombre et malaisant, Medusa s’adresse sans doute à un public spécifique, curieux et aiguisé, dont l’appétit ne saurait trouver satiété dans les prêts-à-binger ou les directs-en-vod qui fleurissent dans nos plates-bandes trop propres. Dans Medusa, tout vole en éclats, pour laisser le champ libre à la pureté sauvage des mauvaises herbes et nous permettre de hurler jusqu’à s’en couper le souffle.