Made in Bangladesh

Le poing levé

Derrière son affiche colorée se cache une réalité sans appel. Cette fiction venue du sous-continent indien raconte l’exploitation. Sans fard, mais avec la conviction chevillée aux images, et une énergie qui plie, mais ne rompt pas.

Rubaiyat Hossain est une cinéaste engagée. Dans un pays aux conditions de vie souvent précaires et difficiles, et particulièrement pour les femmes, elle témoigne et agit avec ses films. Son troisième long-métrage avance avec pugnacité. Son titre d’abord. Parlant. Qui n’a pas touché des étiquettes « Made in China », « Made in Bangladesh » ou venues d’autres contrées, où les ateliers aux méthodes souvent inhumaines abondent ? Dans notre Occident consumériste et écrasé par l’actuelle lubie du « Black Friday », il fait bon aller voir par cette fenêtre ouverte sur le monde. Sa portée documentaire s’appuie sur l’expérience d’une jeune femme dont la protagoniste Shimu est inspirée, et qui a suivi l’élaboration du projet.

 

 

Mais la réalisatrice n’oublie pas de nourrir sa fiction. Elle construit un parcours, celui d’une combattante, face à son couple, à son voisinage, à sa hiérarchie professionnelle, à sa société, à ses lois, à ses traditions, dont chaque scène est un rouage essentiel. Déterminisme, patriarcat, abus constants, la barque est réelle et lourde. Pour contrebalancer la noirceur existentielle, l’énergie jaillit. Celle conférée à l’héroïne, à ses actes, paroles, échanges, engagements. Par une construction par étapes, l’avancée a lieu, lente, chaotique, mise à mal, mais jamais manichéenne. Tous les personnages ont leur part de doute, d’ombre ou de lâcheté. Les couleurs aussi éclaboussent l’écran. Décors, accessoires et vêtements sont chatoyants, et contrebalancent judicieusement la spirale asphyxiante.

 

Car il faut tenir, résister, rester debout. Facile à dire, confirme l’aventure, simple mais riche. La lueur persiste et vaut le coup d’y croire encore. Après Meherjaan et Les Lauriers-roses rouges, Hossain confirme sa présence. Elle croit, elle aussi, au cinéma et au combat. L’alliance des deux les valorise chacun, et revendique la place nécessaire du regard féminin. De tous les continents proviennent des auteures, que la planète doit accueillir les yeux grands ouverts.