Irracontable et malicieux, le troisième film de Dominique Choisy joue avec les genres du cinéma pour parler d’amour et de partage, sur tous les tons…
Ce serait un inventaire à la Prévert, avec les mouettes en guise de ratons laveurs. Ou bien sont-ce des goélands ?! Il y aurait Le Tréport, son unique cinéma niché au fin fond de son casino, ses falaises vertigineuses, ses rues désertes, ses chambres d’hôtel rococo… Il y aurait un réalisateur timide venu présenter son premier film, « exigeant » ou « un peu spécial » selon les avis. Et puis un projectionniste chevelu, captivé et entreprenant ; une responsable de salle passionnée, mais bouleversée par une rupture ; une employée d’hôtel aspirante actrice ; une spectatrice qui serait aussi une mère ; un marin-pêcheur bourru ; un jeune migrant aux allures de prince des Mille et Une Nuits qui passe par ici et repasse par là… Et puis James Dean, l’ami imaginaire…
Après Confort moderne (2000) et Les Fraises des bois (2012), Dominique Choisy, réalisateur rare, continue de creuser son sillon singulier dans le cinéma français. Un drame étrange et beau, un conte cruel et farfelu, et maintenant une fable joyeuse et libre. Des références passent, cinématographiques et théâtrales, on pense à Truffaut, à Rozier, à Demy aussi, on entend des vers de Cyrano, le monologue de La Mouette, ou encore Macbeth. Tout cela est vivant, débridé, surprenant, comme un coq-à-l’âne dont le fil rouge serait le désir. On dort beaucoup dans les films de Dominique Choisy, et le rêve forcément s’insinue, prend part au récit, le détourne et l’emporte. L’imaginaire est ici pleinement au pouvoir ; l’ami imaginaire au sens où l’imaginaire, oui, est notre ami ! Chaque fois que le film distille une mélancolie assumée, la comédie surgit, devient burlesque, romantique et même musicale…
Les décors, les costumes se répondent, leurs couleurs s’opposent ou bien se fondent en camaïeu, c’est élégant et réjouissant. Les acteurs étonnent, détonnent, et leur alchimie est constante, de la pâleur de ton de Jimmy Rasse, au jeu sur le fil de Nathalie Richard, drôlissime à force de tragique, en passant par les oxymores de Juliette Damiens, hésitante et affirmée.
Tout est possible. Parce que ce qui meut ces êtres disparates et imparfaits, c’est l’amour. Pour un ou une autre. Pour une vocation. Pour une croyance. « Ma grand-mère disait : “Le non, tu l’as déjà, essaie d’avoir le oui” », raconte Gladys, la réceptionniste/actrice. Il y a dans Ma vie avec James Dean un élan généreux et bienveillant envers des personnages dont les aspirations se révèlent, se réveillent, au contact de Géraud Champreux, réalisateur désabusé arrivé au bout de ses désirs. À deux on est plus fort, et à plusieurs, alors… Le rappeler sur le mode d’une fable insolente ou d’un rêve éveillé, bigarré et saugrenu, est une bien belle idée de cinéma. Le monde est là autour, la réalité d’un jeune migrant nommé Milan vient nous le rappeler, mine de rien. Mais Choisy ne donne pas de leçons, et sa politesse du désespoir prend le dessus. Rire pour ne pas pleurer ? Peut-être…