Auteur, styliste, peintre, photographe, scénographe, le Britannique Cecil Beaton cherchait à éclairer la beauté de ce monde et des gens. Lisa Immordino Vreeland retrace la vie de l’artiste et de sa passion pour l’image dans un documentaire ébouriffant.
Love, Cecil s’ouvre et se termine sur l’éclectisme d’un homme qui ne savait pas choisir. Enfant, il connaissait déjà sa vocation de photographe. Il ne cessera pourtant de multiplier les activités connexes qui montreront son goût pour l’image et pour l’histoire qu’elle raconte.
D’abord photographe de mode et portraitiste, Cecil Beaton travaille durant les années vingt pour l’édition américaine et britannique de Vogue. Un dessin de mauvais goût signe son renvoi : en y glissant le mot « youpin », il s’attire les foudres de la société et de ses amis juifs. Tiraillé entre sa soif de scandale, de prestige, et son désir de réaliser une œuvre significative pour l’humanité, il immortalisera ensuite tour à tour la reine Élisabeth, les stars d’Hollywood et les dégâts causés par la Seconde Guerre mondiale comme photographe documentaire. Il mettra également son talent au service du monde du ballet, deviendra le directeur artistique de plusieurs films (Gigi de Vincente Minnelli, My Fair Lady de George Cukor). Ses amours n’étaient pas non plus figées. Homosexuel, il tombera sincèrement amoureux de Greta Garbo.
Lisa Immordino Vreeland aurait pu se contenter de raconter une vie professionnelle et privée somme toute remarquable. Mais le charme de Love, Cecil tient à la multiplicité des points de vue et des portraits qu’on y découvre. Les photographies prises par Cecil Beaton d’illustres personnalités comme d’inconnus défilent : pour la plupart en noir et blanc et inspirées par l’expressionnisme allemand, leur jeu d’ombres et de lumière laisse éclater le caractère et l’intensité de chaque modèle. Le documentaire se détourne ainsi du piège d’un hommage où le protagoniste apparaîtrait sans répit à l’écran.
Avec grâce, les rares passages sur l’intimité de l’artiste apportent une véritable émotion à l’ensemble. En lisant des extraits du journal intime de Cecil Beaton, l’acteur Rupert Everett dévoile la vie intérieure d’un artiste qui se confiait peu. Quand, en voix off, on entend les confessions du photographe qui se dit sensible, en proie aux doutes, et que la caméra balaie les herbes non taillées de son ancienne propriété adorée, les masques tombent. Celui qui se cachait derrière son appareil révèle alors malgré lui toute sa profondeur.