C’est un film immense, qui reste toujours à hauteur d’homme. L’histoire d’un fils, Sam Deeds (Chris Cooper, opaque et bouleversant), sans cesse poursuivi par le fantôme de son père, Buddy, shérif comme lui — mais quarante ans plus tôt — d’une petite ville texane, frontalière du Mexique. Shérif, certes, mais « de légende », dont « le moule est cassé » et qui était « marié à une sainte ». Merci pour l’héritage ! Aux premiers plans, en scope et désert plein cadre chahuté par quelques cactus, un squelette est littéralement déterré. Il y en aura d’autres, plus ou moins virtuels, pour conter cette histoire de secrets enfouis, de communautés (noire, mexicaine et blanche) confrontées, de filiations et de transmissions. Cette histoire est comme un puzzle recomposé, à travers les yeux et l’enquête de cet inlassable quêteur de vérité.
C’est un western et un polar, un film d’amour, une œuvre chorale et une chronique historico-politique. Dans Lone Star, il y a tout John Sayles, auteur, réalisateur, qui, de Return of the Secaucus Seven (1979), son premier film choral, bijou toujours inédit en France, à Silver City (2004), son dernier brûlot politique distribué chez nous, s’est forgé une place à part parmi les indépendants venus des USA. Grâce à sa singularité, sa rectitude jamais démentie, son humanisme, sa conscience politique (de gauche) affûtée, son goût de l’Amérique multiculturelle, sa capacité à multiplier les points de vue pour donner la parole à tous (les invisibles, les réprouvés, les anonymes…). Lone Star est un film sublime qui mélange les genres, dit l’Amérique telle qu’elle a toujours été, fondée sur des rapts et des violences, du déni et des légendes. Et l’envisage telle quelle pourrait être. Il bouscule les idées reçues, passant d’un personnage à l’autre, du passé au présent, du général au particulier. C’est un film plein qui vous remplit de joie. Un grand film généreux qui fait comme si la vérité était toujours bonne à dire, comme si la fraternité semblait soudain possible. Et l’altérité.