Une soeur (Ludivine Sagnier) et deux frères (Jean-Paul Rouve et José Garcia). Ils s’aiment et se détestent, et secrètement, chacun cherche à faire la fierté de l’autre. Pour son quatrième long-métrage en tant que réalisateur, Jean-Paul Rouve renoue avec la comédie, sans pour autant sacrifier le ton mélancolique des Souvenirs (2015).
Le titre évoque Visconti, mais la référence cinéphile du film de Jean-Paul Rouve est davantage à chercher du côté de Claude Sautet. L’ex-Robin des Bois s’inscrit en effet volontiers dans les traces du maître du drame mélancolique, de la comédie de moeurs douce-amère. Évidemment, Lola et ses frères n’est ni César et Rosalie, ni Les Choses de la vie. Si on retrouve une certaine douceur et une approche similaire des personnages, c’est ici une version plus malhabile, les enjeux entre les protagonistes sont moins fins que chez Sautet, les émotions plus fabriquées. Chez Claude Sautet, les sentiments se devinent chez les personnages ; ici, ils s’affichent clairement. Les enjeux sentimentaux sont également très simples, et clairement définis dès le départ. Mais, contrairement à La Tendresse, précédent film de Jean-Paul Rouve, où ce manque de finesse laissait place à un excès de mièvrerie, c’est ici l’humour qui vient équilibrer Lola et ses frères.
Filmer le travail
Pierre (José Garcia) est ingénieur spécialisé en démolition. Son frère Benoît (Jean-Paul) est opticien, patron d’une petite boutique qui l’enorgueillit. Si on peut regretter que le métier de Lola (Ludivine Sagnier) soit à peine évoqué (elle apparaît simplement dans une séquence en robe d’avocate), Lola est ses frères est une comédie dramatique assez pertinente sur le travail – des garçons, en particulier. Ces métiers sont prétextes à quelques séquences intéressantes – l’effondrement d’un bloc d’immeubles représenté de manière quasi documentaire – ou très drôles – l’installation d’un nouvel appareil d’ophtalmologie moderne relativement peu performant. Mais le travail sert aussi à caractériser certains personnages. En effet, les caractères sociaux de Benoit et de Pierre sont induits par leur métier et la manière dont ils l’exercent. Pour Pierre, la conscience professionnelle passe avant tout. Ainsi, lorsqu’il se retrouve menacé d’un licenciement pour faute grave à la suite d’une erreur qu’il n’a pas su anticiper, son monde s’écroule, et il préfère entretenir une fiction plutôt que de dire la vérité à son entourage. Benoît est flambeur, il vit dans une grande maison moderne avec une femme belle et jeune, symboles pour lui d’une réussite professionnelle. Car Benoît a réussi, et il faut que ça se voie, car ce qu’il cherche surtout, c’est la reconnaissance des autres. Et Lola en donne, de la reconnaissance, encourageante dans les moments heureux et soutien dans les moments tristes. Mais lorsqu’elle entame une nouvelle étape dans sa vie, après sa rencontre avec Zoher (Ramzy Bedia), elle aimerait que ses frères soient aussi là pour elle. Trois personnages en quête de fierté. La thématique n’est pas nouvelle, mais elle est touchante. Et, sous la caméra de Rouve, elle est aussi tendre et drôle.