Une simple querelle urbaine ravive des plaies enfouies et tourne au drame national dans le Beyrouth d’aujourd’hui. C’est L’Insulte, excellent film du cinéaste libanais Ziad Doueiri, servi par deux comédiens remarquables, Adel Karam et Kamel El Basha (prix du Meilleur acteur à la Mostra de Venise).
À l’origine de cette histoire, une anecdote vécue par le réalisateur libanais Ziad Doueiri. Une altercation avec son plombier a initié l’intrigue de L’Insulte. Le réalisateur de L’Attentat et de la série Baron noir y narre la trajectoire d’un mot malheureux entre un chef de chantier palestinien et un garagiste chrétien libanais. Ou comment une histoire de gouttière défaillante va générer une insulte qu’aucun mot ne guérira et dont l’onde de choc prendra d’immenses proportions.
Le scénario de Ziad Doueiri et sa coscénariste Joëlle Touma est un modèle d’écriture. Astucieux, ils savent ménager un suspense, avancent leurs pions pas à pas, font s’enchaîner les événements avec logique et fluidité, et modulent les tonalités savamment (car, oui, on rit aussi parfois face à ce drame absurde). Leurs personnages, brillamment interprétés par Adel Karam et Kamel El Basha, l’un tout en violence déployée, l’autre, tout en silences contenus, jouissent d’une vraie et belle épaisseur. À travers eux, c’est toute la complexité de l’histoire du Liban qui s’incarne et se raconte, et de façon plus universelle, la relativité des notions de victimes et bourreaux, la difficile communication entre les êtres, les effets dévastateurs de la souffrance rentrée.
L’Insulte est un film qui a du souffle et qui fait résonner fort son profond humanisme. Par l’habileté avec laquelle il place son film entre le drame intime et le film de procès, la façon subtile de faire apparaître l’intelligence sensible des personnages sous le masque de l’orgueil et les plaies des blessures jamais cicatrisées. Hormis la surcharge de musique dans la bande-son, c’est une réussite absolue. Un film utile dont on souhaite vivement la très large et durable diffusion.