Film sociétal furieusement contemporain, Levante nous donne à voir une jeunesse queer éclatante, solidaire dans ses rires et ses silences, son désespoir et sa révolte.
Quelques secondes, quelques images, et une certitude : Levante est une respiration, une ode à la nouvelle génération, à la vie, à la jeunesse, à l’intime et au collectif, à l’amitié comme à l’amour. Dans ce premier film de la réalisatrice brésilienne Lillah Halla, salué lors de la Semaine de la Critique à Cannes, il est question de liberté, au sens politique, du corps des femmes, au sens féministe, et d’une Église, au sens législatif, cherchant à tout prix à maintenir dans son étau une société en pleine révolution qu’elle ne parvient pas à contrôler.
Pour Sofia, 17 ans, le volley-ball est à la fois une passion, un terrain d’inclusivité totale, nourri par l’amitié, et la promesse d’une carrière pro. Lorsqu’elle apprend qu’elle est enceinte, la possibilité d’un horizon salvateur disparaît : au Brésil, sous le joug d’un obscurantisme hypocrite et médiéval, l’avortement est un crime, strictement interdit par la loi, et sujet de suspicions, ou de délations
Parmi les nombreuses qualités de ce long-métrage, où rien ne semble laissé au hasard, on citera la précision de l’image, du cadre, des clairs-obscurs, et le traitement du son, impressionnant, comme un personnage à part entière, capable de porter haut et fort les émotions, ou d’exprimer l’indicible. Levante est aussi porté par la performance de la comédienne Ayomi Domenica, époustouflante, aussi féroce et solaire que tendre et vulnérable. La justesse des personnages secondaires nous les fait tous et toutes exister au premier plan : des coéquipières soudées et solidaires ; un père tiraillé entre son amour pour sa fille et la peur d’un système oppressif ; une coach ; une évangéliste planant au-dessus de ces jeunes filles libres, follement libres, comme un oiseau de mauvaise augure…
La capacité de Lillah Hallah à mettre en scène les contradictions inhérentes à la société brésilienne d’aujourd’hui est admirablement maîtrisée. La musique, le son, et l’image s’accordent, s’opposent, s’emboîtent, comme le font les corps et les esprits, car c’est bien de corps et d’esprits qu’il s’agit ici. Plus l’étau se resserre, plus la chair exulte, et plus la jeunesse s’enflamme.
Il y a, enfin, cette bande-son phénoménale – des scansions, punk dans l’âme, de rap féministe et féminin, qui sonnent l’appel à la révolution, au changement inconcevable pour certains – qui nous accompagne longtemps, très longtemps après le générique de fin.
Mary Noelle Dana