Portrait passionnant d’une pionnière, Inger Servolin, qui a lancé en France, aux côtés de Chris Marker, Slon puis Iskra, deux maisons de production dévolues au documentaire engagé.
Le nom d’Inger Servolin est associé dans nos mémoires cinéphiles à celui de Chris Marker, mais curieusement absent des histoires du cinéma et des dictionnaires classiques. La réalisatrice colombienne Maria Lucia Castrillon l’a rencontrée en 1991, est devenue assistante sur une de ses productions, un film de Gisèle Kirjner tourné au Sahara, Goulili, dis-moi ma sœur. L’ayant côtoyée, elle a eu envie de raconter cette productrice et cette femme exceptionnelle.
Ce portrait court sur plusieurs années, raconte la rencontre d’Inger avec Chris Marker en 1965, la création en Belgique de Slon (Société pour le lancement d’œuvres nouvelles) deux ans plus tard alors que celui-ci termine avec d’autres, dont Godard, Resnais, Varda, Loin du Vietnam. Il narre l’énergie tranquille déployée durant toutes ces années de mouvements politiques incessants pour que les images fassent courroie de transmission entre les êtres, artistes et ouvriers, cinéastes et paysans…
Produisant Marker, donc, et son œuvre phare, Le fond de l’air est rouge , mais aussi les groupes Medvékine, et d’autres plus obscurs, narrant les luttes, jouant du ciné-tract et portant la bonne parole (et les bobines) là où quelqu’un (en Allemagne, en Belgique, en France…) voulait bien les diffuser. Cette petite bonne femme née au printemps 1933 à Oslo, amoureuse de la France, a continué jusqu’à aujourd’hui à défendre un cinéma utopique et nécessaire. Sa maison de production (plus souvent considérée comme un outil que comme une entreprise) est devenue Iskra (Image, Son, Kinescope et Réalisations Audiovisuelles) en 1973, avec un beau logo entre mille pattes et dragon chinois signé Folon. Et ce parcours d’une militante fait plaisir à voir. Comme la trace d’une époque lointaine, dont on espère qu’elle n’est pas totalement révolue…