Les Sept de Chicago

Puissance de la parole

Trois ans après un premier film de procès, soigné mais rempli de clichés, Aaron Sorkin revient avec… un film de procès. Mais, ici, la puissance des dialogues, de l’histoire évoquée et une distribution royale sont les forces d’un film politique et enflammé.

En 1968, à Chicago, lors de la convention chargée de désigner le candidat démocrate de la prochaine élection présidentielle, des manifestants pacifistes venus d’horizons différents se réunissent pour protester contre la guerre du Vietnam. Quelques mois plus tard, l’administration Nixon, fraîchement arrivée au pouvoir, décide de marquer les esprits en instruisant le procès de sept d’entre eux.

Longtemps prévu sous la houlette de Steven Spielberg (dont le studio est resté producteur du film), annoncé en salle cette année avant d’être racheté par Netflix pour cause de paysage cinématographique sinistré par la crise du COVID 19, Les Sept de Chicago a connu un parcours pour le moins chaotique, qu’on oublie passé les premières minutes du film. L’introduction, certes un peu pataude, n’est pas très rassurante, et rappelle le premier film d’Aaron Sorkin, Le Grand Jeu, soigneux empilement de clichés du film de procès biographique. Mais cette entrée en matière annonce comment l’auteur va s’emparer de façon classique et sobre de ce morceau d’histoire américaine.

Eddie Redmayne dans Les Sept de Chicago. Cr. Niko Tavernise/NETFLIX © 2020

Avec précision, Aaron Sorkin, le créateur de l’indispensable série À la maison blanche, retranscrit retranscrit les différentes étapes de ce procès engagé par une Amérique nixonienne embourbée dans le conflit vietnamien. En scénariste aguerri, il fait monter une tension croissante et plonge le spectateur dans une profonde indignation, tant les méthodes du juge chargé de conduire ce procès politique apparaissent injustes et biaisées. Et pour donner chair à ce verbe brillant, il déploie une distribution éclectique, offrant les différents visages d’une Amérique anti-guerre et de ses accusateurs. On retiendra notamment la présence de John Carroll Lynch, second rôle magnifique qui imprime l’écran en boy-scout pacifiste résolu ; Yahya Abdul-Mateen II, incroyable de force et de colère rentrée en Black Panther littéralement bâillonné en plein procès ; et surtout Frank Langella, magistral, incarnant avec une gourmandise évidente un juge inique, dont on ne parvient jamais à décider s’il est profondément réactionnaire ou tout simplement sénile.

 

 

Et pour aller plus loin, voici la très pertinente et sensible analyse de Charles Bosson, le créateur de la chaîne YouTube « 7 minutes de réflexion » et l’un des membres de l’équipe de chroniqueurs de l’émission « Le Cercle (séries) » sur Canal Plus :