Une femme « nez », distante et asociale, fait la rencontre d’un chauffeur doué d’empathie. Les Parfums de Grégory Magne invite, avec pudeur, à la reconnexion à soi et aux autres. Un film d’utilité publique qui sort en DVD, accompagné de sept séquences commentées. On retiendra de ces bonus une phrase d’impro percutante d’Emmanuelle Devos (autour de l’odeur de l’herbe coupée, qui calme notre exaltation à s’enivrer de ce parfum !) et ces mots, prononcés par le réalisateur (séquence du restaurant chinois) : « On a réussi pour la première fois à coiffer Gustave Kervern et ça lui a plu ! ».
Grégory Magne a le don de raconter des histoires d’amitié naissante, où la bonté d’âme guide le cours des événements. Déjà dans son premier long-métrage, L’Air de rien (2012), il filmait un huissier de justice (Grégory Montel, dont il est devenu complice depuis) qui vient en aide à Michel Delpech (himself) et relance sa carrière pour lui permettre de rembourser ses dettes. Dans Les Parfums, il dessine un personnage de femme « nez », ancienne créatrice de parfums de luxe, dont les heures de gloire appartiennent au passé. Anne Walberg semble dissociée : cette femme austère et distante est dotée d’un don rare qui menace de lui faire défaut ; entièrement focalisée sur son outil de travail, elle se mure en elle-même, est incapable de s’ouvrir aux autres au point de perdre le sens de la courtoisie la plus élémentaire. Jusqu’à sa rencontre avec un chauffeur, Guillaume, qui se doit de trouver un emploi stable pour obtenir la garde alternée de sa fille adorée, et l’accompagne sur les routes de campagne pour honorer des contrats dénués de tout prestige. Au contact l’un de l’autre, Anne cheminera vers la reconnexion intérieure, et Guillaume vers son plein potentiel.
La force du scénario de Grégory Magne tient, d’une part, à l’originalité de son sujet, qui donne à voir un univers passionnant et peu représenté au cinéma, et, d’autre part, à la nature des relations qui unissent ses deux protagonistes. Sans aucune complaisance, ni facilité d’écriture, le scénariste-réalisateur tisse l’un à l’autre deux chemins de vie et fait naître de leur point de jonction l’idée que l’entraide est possible. Cet homme et cette femme, affranchis de tout jeu de chat et de souris, sauront regarder l’autre pour ce qu’il est et le faire renaître à lui-même. Chacun à son rythme, et tous deux avec franchise.
Emmanuelle Devos et Grégory Montel sont parfaits dans leurs rôles respectifs. Elle, impériale et captivante, tant elle sait garder intact son mystère (que les rôles axés sur les sens, comme Sur mes lèvres ou celui-ci, lui vont bien !) ; lui, drôle, vif et chaleureux (et plus posé que dans Dix pour cent, la série qui a accru sa notoriété), ils s’accordent à merveille autour de cette partition, qui sait naviguer du drame à la comédie dans un va-et-vient constant. Ensemble, dirigés par Grégory Magne – dont la mise en scène, sobre, les met en relief -, et accompagnés par les attachants Gustave Kervern et Sergi Lopez, ils donnent à entendre un sincère et délicat chant d’espérance, plus que vertueux par les temps qui courent.