Pour son premier (et énorme) film de studio, Chloé Zhao signe une œuvre en partie personnelle tout en faisant des concessions à un univers extrêmement calibré.
Selon une formule bien rodée, les studios Marvel continuent d’alterner des films exploitant des héros connus (Black Widow), introduisant de nouveaux personnages (Shang-Chi et la légende des dix anneaux) ou présentant un groupe de nouveaux héros, ici Les Éternels. Soit un groupe de dix personnages aux impressionnants pouvoirs, qui ont discrètement accompagné l’humanité depuis ses premiers pas. Présenté comme une vaste saga cosmique (comme les Guardians of the Galaxy ou les deux derniers opus des Avengers), le film marque surtout l’arrivée d’une réalisatrice oscarisée (Chloé Zhao, deux fois récompensée pour son film Nomadland) à la tête d’une saga super-héroïque. Cette introduction d’une cinéaste intimiste dans un univers qui, a priori, n’est pas le sien pouvait intriguer autant qu’inquiéter.
Après 2 h 37 de film, les craintes et les espoirs sont finalement douchés par une mécanique de production qui ne laisse que peu de place à la marque d’un auteur. Pourtant, Chloé Zhao est mise en avant tant dans la promotion (plus qu’Angelina Jolie ou Salma Hayek) qu’au générique (avec un double crédit de scénariste, assez rare sur ce genre de production). Par ailleurs, la réalisatrice de The Rider a de toute évidence pu tourner à loisir dans de superbes paysages naturels, tout comme il lui a été permis de s’attacher un peu plus à ses personnages. La structure du scénario, qui fonctionne par d’astucieux flash-back, réserve également des surprises qui servent la progression dramatique du film. Chloé Zhao déploie enfin dans le dernier acte un imaginaire visuel qui rappelle par moments le gigantisme du créateur des Éternels sur papier : le pilier de la Marvel, Jack Kirby.
Mais ces intentions et ces exploits, louables, intègrent pourtant le canevas extrêmement calibré des films du Marvel Cinematic Universe. Les effets spéciaux en images de synthèse, à l’esthétique uniformisée, interviennent sans surprise aux moments stratégiques du film, tout comme les scènes comiques, destinées à faire régulièrement retomber la tension. Ce dernier aspect, qui semble inévitable, nuit pourtant particulièrement à un film conçu avec une certaine ambition, et dont le ton, plutôt mélancolique, a de quoi séduire.
François-Xavier Taboni