Dans le Paris de Hamé et Ékoué, quelque part entre Pigalle et Barbès, il règne une certaine ambiance. Une musique électronique, jamais outrancière, accompagne avec grâce le film et ses personnages. Nas (Reda Kateb) vient de sortir de prison. Il est temps pour lui de retrouver ses potes, de se relancer dans le business. Pourquoi pas, par exemple, faire du bar un peu miteux de son grand frère une boîte à la mode. Dans le premier film des membres du groupe de hip-hop La Rumeur, les euros s’échangent comme les dollars chez Scorcese, et on jurerait revoir Mean Streets. Les codes de la rue, les amitiés viriles, la famille, les affaires violentes. Et aussi, cette espèce de mélancolie. Tandis que les quartiers se “gentrifient”, ces derniers Parisiens, qui commencent à vieillir, sont dépossédés de leurs rues, remplacés par de nouveaux voyous aux méthodes moins artisanales. Dans le Paris de Hamé et Ekoué, qui sent le goudron et les particules fines, il n’y a ni bons ni mauvais. Seulement le business, autre nom pour la loi du plus fort. Mais les années 1990 sont mortes, et l’âme de Pigalle qui survit dans Les Derniers Parisiens semble se sacrifier au profit d’une uniformisation générale. Partout, les mêmes magasins, les mêmes cafés. Réalisé par ceux qui écrivaient en 2002, dans leur album L’Ombre sur la mesure, « danser sur les ruines de ces belles vitrines », Les Derniers Parisiens aurait pu être un film de rage, de colère. Il est tout le contraire. À la manière de romanciers du XIXème siècle, le duo de réalisateurs semble faire le constat, doux et amer, de la fin d’un monde, de la fin d’une époque.