Andréa Bescond et Éric Métayer adaptent au cinéma leur pièce de théâtre Les Chatouilles ou la danse de la colère. Le récit d’un traumatisme, porté par l’énergie phénoménale de la réalisatrice et actrice, qui raconte ici sa reconstruction.
C’est l’histoire d’un cheminement, du silence vers la parole, de l’ombre vers la lumière. Pendant son enfance, Andréa Bescond, petite danseuse blonde au visage d’ange, fut victime d’abus sexuels de la part d’un ami proche de ses parents. Ces derniers n’ont rien vu, rien compris, eux qui adulaient cet homme à la réussite exemplaire et ne demandaient qu’à le fréquenter. Ce qui aurait pu la détruire, la jeune femme qu’elle est devenue décide de l’exprimer enfin, de laisser jaillir sa parole, de faire parler son corps de danseuse, d’investir tous les espaces possibles qu’offre la mise en scène du souvenir, du théâtre au cinéma – et même, peut-être, ce qui est à trouver entre les deux.
Car Les Chatouilles est un film qui cherche son chemin entre le figé et le mouvant, cet endroit où ce qui fut cristallisé dans la douleur parvient à se libérer et laisser place à un élan nouveau. Ce chemin est celui du souvenir appréhendé, des méandres qu’il a empruntés entre conscience et inconscient, accompagnés par un travail psychanalytique au centre du dispositif. C’est lui qui en canalise les allers et retours, et que les metteurs en scène, Andréa Bescond et Éric Métayer, tentent de façon expérimentale de figurer à l’écran. Leur parti pris, qui fait se confronter passé et présent, et rend poreux les décors — comme ce cabinet de la psychanalyste faisant irruption dans d’autres lieux —, revêt des atours parfois artificiels et pas toujours subtils. Mais il dit dans le même temps à quel point la mise à distance du traumatisme est difficile et nécessaire.
Au centre de chaque séquence, de chaque plan, l’actrice-danseuse-scénariste et réalisatrice Andréa Bescond épate par son énergie considérable. Sa rage, sa fougue crèvent l’écran et suscitent une vive à émotion plusieurs reprises. Face à elle, dans le rôle du criminel, Pierre Deladonchamps est glaçant. Karin Viard, en mère aveugle et mal aimable, joue l’ambiguïté dérangeante avec brio, et Clovis Cornillac, dans le rôle du père, trouve le ton juste entre douceur et naïveté. Tous, dans ce film, avancent sur un fil en équilibristes tentant, le mieux possible, d’accompagner Andréa Bescond sur le chemin de la résilience.