Renversant de beauté, traversé par un amour fou pour ses personnages, le premier long-métrage de Mo Harawe contient des scènes et des images inoubliables.
Un père et son fils qui se reposent l’un contre l’autre sur une plage somalienne. Un père qui protège les yeux de son enfant lors d’une attaque de drones. Un petit garçon qui prend des nouvelles de son ancien camarade en portant la voix pour qu’il l’entende de l’autre côté d’une rivière… Le premier long-métrage de Mo Harawe est traversé de moments tendres, émouvants, d’une beauté inouïe. Cela tient au regard que ce jeune cinéaste austro-somalien porte sur Cigaal (formidable Cigaal Maxamuud Saleebaan), ce petit garçon au potentiel remarqué par son institutrice, Mamargade (Axmed Cali Faarax), son père qui l’élève seul et se démène pour lui offrir une scolarité, et sa tante Araweelo (Canab Axmed Ibraahin), qui les rejoint après avoir divorcé et ne lâche rien de ses rêves. Le regard de Mo Harawe reste toujours à juste hauteur de ses personnages courageux. Épaulé par son directeur de la photographie Mostafa el-Kashef, il filme les tribulations de ce père généreux au beau milieu d’un pays qui convulse sous la guerre civile et les catastrophes naturelles. Sans édulcorer la brutalité de cette réalité, il donne à voir la part sublime de cette région désertique, qui est aussi le plus grand littoral d’Afrique, entre l’Océan Indien et le golfe d’Aden. Il en fait l’écrin d’une histoire très émouvante, où se racontent l’amour inconditionnel d’un père pour son fils, et la dignité d’hommes et de femmes qui cherchent à contrer l’adversité et se frayer coûte que coûte un chemin vers un horizon ouvert. Si le scénario aurait gagné à être légèrement ramassé, il demeure qu’à aucun moment la puissance des liens entre les membres de cette famille ne cesse de se faire sentir. Il transparaît, dans le grain de l’image, l’harmonie des teintes chaudes, la lumière qui révèle les peaux, les gestes attentionnés, un tel humanisme qu’on ressort chavirés.
Anne-Claire Cieutat