Le Serpent aux mille coupures
Épaulé par une distribution remarquable, Éric Valette signe une adaptation noire à souhait d’un roman de DOA et signe un polar viticole des plus sombres, qui donne un coup de fouet au polar français contemporain.
Éric Valette nous le disait récemment en interview, Jean-Patrick Manchette (et plus particulièrement La Position du tireur couché) est l’auteur de polars qu’il rêverait d’adapter au cinéma. Avec Le Serpent aux mille coupures, adaptation d’un très manchettien roman de DOA, le réalisateur d’Une affaire d’État nous prouve qu’il en a toutes les capacités. Du choix du roman, assez court pour l’auteur de Passagers clandestins, aux moyens mis en œuvre pour le mettre en images, Éric Valette fait preuve d’une remarquable intelligence. En star peu soucieuse de son image, Tomer Sisley se révèle aussi convaincant que dans le méconnu et réussi Nuit blanche de Frédéric Jardin. Tout en sobriété, il incarne à merveille un motard sans passé, confronté en même temps à des dealers de drogue internationaux et à des viticulteurs racistes dans un Sud-Ouest français particulièrement violent. On apprécie la gourmandise avec laquelle Eric Valette a croqué ces personnages patibulaires, reprenant les meilleurs dialogues du roman de DOA et les plaçant dans la bouche d’un casting aux petits oignons. Face aux habitués de son cinéma (Gérald Laroche en bistrotier peu amène, Stéphane Debac, en truand pleurnichard…), Terence Yin apporte la touche qui fait basculer le film dans le noir total. Tout de sombre vêtu, le comédien, qu’on a vu chez Tsui Hark, Takashi Miike ou RZA, campe un tueur méticuleux et taiseux, qui n’a rien à envier au Anton Chigurh de No Country for Old Men. Mais c’est le style et le ton du film qui enchantent le plus. En digne héritier de la série B américaine, Éric Valette signe un film nerveux et sans gras, conduit par un scénario implacable et sans temps morts. L’élégante photo en Scope de Jean-François Hensgens offre un cachet de western bienvenu à ce thriller rural, qui prouve que le polar français a encore de beaux jours devant lui.