Le Rouge et le Gris, Ernst Jünger dans la Grande Guerre
Images fulgurantes de la Grande Guerre
Mise en images d’Orages d’acier, Le Rouge et le gris, projet titanesque du photographe François Lagarde, est une adaptation qui retrouve le souffle et l’humanité du récit guerrier écrit il y a près de cent ans par Ernst Jünger.
Paru en 1920, Orages d’acier est un des premiers ouvrages consacrés à la Première Guerre mondiale. Écrit par un jeune officier d’une vingtaine d’années, Ernst Jünger, cet ouvrage consacré à ses quatre années passées sur le front est un récit très détaillé des conditions de vie des soldats allemands pendant la Grande Guerre. Le lyrisme discret de son style et la patiente et précise observation de la vie des tranchées donnaient un souffle romanesque à une œuvre pourtant très documentaire.
Près de cent ans plus tard, sort en salle le film du photographe François Lagarde (disparu le 13 janvier 2017), mise en images fulgurante du livre de Jünger. Fruit d’un travail de vingt ans, consacré à retrouver et numériser 3000 photos de la Première Guerre mondiale (prises du côté allemand), le projet impressionne évidemment. Et pourtant, on oublie instantanément le côté titanesque de l’entreprise dès les premières minutes de projection, qui donnent le ton du film : sur la BO composée par Jean-Luc Guionnet, la voix du contrebassiste et comédien Hubertus Biermann lit Orages d’acier, tandis qu’à l’écran défile un montage de photographies d’époque en noir & blanc. Entrecoupant celles-ci de plans et de schémas explicatifs du fonctionnement des tranchées ou d’images tournées de nos jours sur les lieux des combats, François Lagarde trouve la façon la plus évidente de retranscrire à l’écran Orages d’acier.
À la précision descriptive de Jünger, Lagarde répond avec la richesse d’un fond photographique stupéfiant. De la simple prise de vue documentaire à la photo plus composée, toutes ces images de soldats anonymes, de tranchées ou de villes en ruine, prennent vie, rythmées par de subtils zooms et par la narration douce et musicale de Hubertus Biermann. Et c’est par cette véritable mise en scène des milliers de photos recueillies que François Lagarde retrouve le souffle et l’humanité imprimés par Ernst Jünger à son récit guerrier.