Michel Hazanavicius fait apparaître le cinéaste franco-suisse qu’il réinvente en personnage de la révolution de mai 1968. Une drôle de déclaration d’amour.
Il ne faut pas chercher Godard. Il n’est pas dans le film de Michel Hazanavicius. Le redoutable est son clone, ou son clown : un acteur de farce avec un faux nez. Le clown est grotesque. En tout cas, il l’est souvent. Il lui arrive aussi d’être pathétique ou dramatique.
Quel cirque, ce Redoutable ! En piste, la mise en scène spectaculaire de la rue, de mai 1968. Dans les gradins de la Sorbonne, les premières loges. On crie, on hurle des slogans pour texte du théâtre de la vie politique. Godard en fut, son clown redoutable en est, et puis on le prie de sortir de scène.
Il ne faut pas chercher Godard : ceci est un Godard de fiction, dans une Godard comédie ; un personnage, un Godard inventé, fantasmé naturellement, un Godard imaginaire. Il n’existe que dans ce cinéma, ce Godard que voilà. Michel Hazanavicius sait bien que le cinéma peut tout, qu’il est démiurge et qu’il est libre. Et puisque le vrai M. Godard s’en tient à l’invisibilité, apparaît et disparaît, toujours entre deux absences entrecoupées de films, le cinéma a le champ libre : il occupe l’espace vacant de son image. Car enfin, puisque Godard n’est pas là, que reste-t-il d’autre que la présence de son image et de sa représentation ?
Il faut être amoureux du cinéma et aimer éperdument Godard pour avoir le désir de cette magie : Le Redoutable est aussi bien un exercice de prestidigitation, qui fait apparaître le Godard de mai 1968, sur un scénario filé à partir du livre de souvenirs d’Anne Wiazemsky, qu’une déclaration d’amour d’un cinéaste à un autre. À n’en pas douter, Michel Hazanavicius avec Le Redoutable dit son amour pour Godard. Alors, bien sûr, il le fait à sa manière, dans une forme de détournement et de parodie. Michel Hazanavicius ne veut plus être sérieux depuis le néant et l’échec de The Search, son film de guerre. Ce n’est pas son langage, il parle mieux avec le rire, les pirouettes et l’iconoclastie. Le Redoutable brandit jusque dans son titre son souci d’ironie et d’amusement.
Allez zou, en avant la Godard comédie, un acteur avec un nom de cinéma d’auteur, Garrel, qu’on affuble d’un postiche sur le crâne, de lunettes qu’il perd invariablement dans un comique de répétition, et qui ne s’exprime qu’avec une épouvantable diction. Le héros grince, grogne, marmonne, vitupère, ricane, dénonce, s’emporte… Parfois, c’est vraiment un sale type. Parfois, c’est un génie avec ses fulgurances. Quel clown ! D’ailleurs, comme tous les clowns, il chute. Godard tombe de son piédestal et c’est l’art du splastick originel. Le Redoutable est bel et bien du burlesque.