La cinéaste polonaise Agnieszka Holland retrace la trajectoire de l’herboriste guérisseur tchèque Jan Mikolášek et dessine le portrait fervent d’un homme tout en ambivalence, qui fut victime d’une chasse au sorcier.
C’est un personnage fascinant, qui a bel et bien existé. Jan Mikolášek (1889 – 1973) fut, en Tchécoslovaquie, un guérisseur notoire, grand connaisseur des plantes et de leurs vertus médicinales, qui soignait ses patients avec détermination et sans distinction, qu’ils soient sympathisants nazis ou communistes. Cet homme « sorcier », homosexuel, doté d’un don, formé par une femme au pouvoir guérisseur des plantes, et qui refusait d’être appelé « docteur », fut aussi la cible du régime communiste, qui l’accusa de charlatanisme, le harcela et l’incarcéra.
Poursuivant son combat contre le totalitarisme, la réalisatrice du Complot ou de L’Ombre de Staline dresse le portrait de cet homme, tout en contrastes, sur plusieurs décennies – trois régimes politiques différents et deux guerres mondiales. Car, si Jan Mikolášek séduit par ses fulgurances et sa détermination à soigner toutes celles et tous ceux qui se présentent à lui, il sait aussi se montrer égoïste, rigide, colérique et cruel (dans le lien qui l’unit à son assistant, Frantisek Palto, notamment) et semble continuellement en proie à de violents démons.
Cette ambivalence se retrouve dans la texture même de la photographie du film, signée Martin Strba, qui joue constamment de l’opposition entre l’ombre et la lumière. Elle est aussi présente dans les regards sombres et profonds du charismatique Ivan Trojan, qu’Agnieszka Holland dirige à nouveau après sa mini-série Sacrifice, et qui joue ici la carte de l’émotion rentrée en toute circonstance.
Si Le Procès de l’herboriste souffre d’une certaine pesanteur, tant sur le plan narratif qu’esthétique, il captive néanmoins par son sujet et donne à voir le versant masculin d’une science et d’une pratique d’ordinaire incarnées par les femmes, qui leur coûta souvent la vie (rappelons que la chasse aux sorcières, qui visait souvent des guérisseuses, s’est étendue dans toute l’Europe et dura du Moyen Âge au XIXe siècle !). C’est dans ses (trop rares) séquences où l’on voit Jan Mikolášek communier avec la nature que ce film trouve ses moments de grâce et se fait ainsi un éloge du vivant. À l’ère attendue « du Verseau », qui espère la réconciliation entre le masculin et le féminin, il vient, l’air de rien, apporter sa petite pierre à l’édifice.