Le Grand Bain

Le grand bien

Le Grand Bain des émotions synchronisées brasse des larmes coulées et des rires touchés. Le vrai premier film de Gilles Lellouche nage dans le bonheur de la comédie généreuse.

 

La vie est triste. Ça commence mal. Ça ne va bien pour personne : les hommes du Grand Bain ont sombré. Ils ont tous plongé dans la zone grise de l’incertitude, de l’inquiétude, du désarroi ou de la dépression. Il y a comme une douleur collective, des contractures mortifères. Tout le monde est seul ou se sent seul, c’est pareil. Seul, un heureux hasard peut les réunir. Gilles Lellouche le leur octroie : il croit en leurs chances de se sauver, pour son premier film en tant que réalisateur solo.

Rester groupé, c’est la théorie. Se jeter à l’eau, c’est la thérapie. Il n’y en a pas un pour sauver l’autre, chez ces quadras sympas mais en piteux état, sauf au cinéma. Le scénario du Grand Bain les met en mouvement dans le bassin. Il les remonte à la surface quand ils ont touché le fond. Ils nagent, à contre-courant, dans la discipline si féminine de la natation synchronisée – c’est improbable, décalé, donc cocasse et souriant.

La natation synchronisée, ça n’a l’air de rien, mais on ne devient pas comme ça, facilement, une petite sirène. Surtout quand on a du ventre et des poils. Une fois sa bande de personnages synchronisée, Gilles Lellouche les entraîne dur. Après Virginie Efira, coach alcoolique, Leïla Bekhti, coach paraplégique, prend le relais et c’est hilarant. Par un effet d’entraînement euphorisant, les quadras noyés dans leur vague à l’âme respirent l’air retrouvé à pleins poumons. Une respiration vitale. Et le film, d’une écriture drôlement fine – Ahmed Hamidi, auteur des Guignols, a prêté sa plume -, s’en trouve ragaillardi.

Le Grand Bain de Gilles Lellouche. Copyright Studiocanal GmbH / Mika Cotellon.

Assez pleuré, rions. Le drame n’était qu’une comédie. En maillot, bonnet en latex, Mathieu Amalric, Guillaume Canet, Benoît Poelvoorde, Jean-Hugues Anglade, Philippe Katerine, Félix Moati, Alban Ivanov et Balasingham Thamilchelvan deviennent des corps burlesques. Ces corps d’acteurs normaux, qui n’ont rien d’exceptionnels, sont de comiques nageurs. À nu, ils n’ont plus que leurs corps à mettre en jeu. La mise en scène cadre leur normalité. « Je voulais aussi tenir un discours sur le corps, le ventre, des physiques pas forcément très gracieux dans une époque où règne la dictature de l’esthétique parfaite, du corps musclé, tonique, dit aussi sérieusement Lellouche. Je souhaitais montrer des hommes entre 40 et 50 ans qui ne sont pas des athlètes, qui vivent avec leur corps, leur bedaine qui sort, leurs poils, en se grattant le genou. »

Le Grand bain fait le plus grand bien. C’est le principe actif de l’histoire. Tout devient beau. Tout devient joyeux, heureux. Les antihéros s’aident, s’entraident, s’encouragent, se dépassent. Ils y arrivent, par la force de la volonté et du groupe. Les acteurs sont irréprochables, ils s’en donnent à cœur joie. Ils ont toute notre admiration, leurs personnages notre sympathie.

La vie est belle. Ça va bien. On a dit que The Full Monty (1997) ou Rasta Rockett (1994) étaient des modèles approchant pour Le Grand Bain, avec leur équipe atypique de losers magnifiques. Mais c’est à Frank Capra que l’on pense. À La vie est belle : une galerie de personnages ; la mise en scène de la persévérance, de l’amitié, de l’humanité ; un mélange de bons sentiments et de bon cinéma ; un happy end. La vie est belle est un joli conte social. Le Grand bain, tout aussi bien.