Le dossier Maldoror de Fabrice Du Welz
Dans un geste cinématographique ambitieux, Fabrice Du Welz raconte par la fiction l’affaire qui a traumatisé la Belgique des années 1990. Devant sa caméra, Anthony Bajon livre une prestation d’une grande richesse.
Comment aborder au cinéma un drame criminel tel que l’affaire Dutroux ? Fabrice Du Welz s’est inévitablement posé cette question avant d’entreprendre ce Dossier Maldoror, thriller policier qui plonge, par le biais de la fiction, dans une affaire qui a durablement traumatisé la Belgique.
Sa réponse nous replonge dans le passé du cinéma italien, qui savait s’emparer de thèmes politiques et/ou historiques afin d’en produire des films populaires, comme Sacco & Vanzetti de Giuliano Montaldo, L’Affaire Mattei de Francesco Rosi, ou Le Maître de la Camorra de Giuseppe Tornatore.
C’est cette approche que le réalisateur de Calvaire emploie donc d’une façon particulièrement ambitieuse. Pour relater la longue enquête démarrée en 1995 par le jeune gendarme Paul Chartier, Fabrice Du Welz n’hésite pas à emprunter plusieurs registres et à surfer sur les genres : comédie burlesque pour relater l’opposition entre différentes brigades d’enquêteurs, thriller glauque et étouffant pour décrire l’environnement criminel de Paul Dedieu (oppressant Sergi López), chronique naturaliste pour raconter l’histoire familiale difficile de Jean et son mariage avec Gina, western halluciné pour décrire la traque du criminel. On pourra dire que le mieux est l’ennemi du bien et cet effet cumulatif, combiné aux sous-intrigues, finit par écraser un peu le récit patiemment agencé par son réalisateur.
Mais à cette (trop grande) générosité scénaristique répond l’ampleur de la mise en scène d’un cinéaste qui se renouvelle courageusement avec ce film à l’énergie brute. Du Welz s’éloigne en effet de la sophistication formelle de ses précédents films pour capter au plus près l’obsession de son personnage principal. Et c’est peut-être la plus grande force du film : l’osmose entre un réalisateur et son interprète. Dans une composition sidérante, Anthony Bajon épouse toutes les facettes, même les moins agréables, de son personnage et donne l’indispensable force d’incarnation qui accompagne à chaque plan la réalisation fiévreuse de Fabrice Du Welz.