Le Choix de Gilles Bourdos

Faire ce qu’il faut

Un homme roule dans une voiture, risque sa famille, son boulot, pour faire ce qui est juste. Vincent Lindon au sommet dans un film en forme de pari.

Un soir, sur un coup de fil, comme un coup de tête, un homme, entrepreneur, quitte son chantier pour prendre le volant et rouler, rouler, rouler. Toute la nuit. Pour rejoindre Paris et une femme. Alors qu’il a un boulot important qui nécessite sa présence dans quelques heures, là d’où il vient de partir. Alors qu’il a une épouse et deux enfants qui l’attendent à la maison.

Tout au long du trajet et des coups de téléphone (en kit main libre !), cet homme, Joseph, calme ou énervé, précis ou en apparence fou, nous fera comprendre pourquoi il fait ce qu’il fait.

Ce film de Gilles Bourdos (Espèce menacées), sur un script de Michel Spinoza (scénariste du précédent et réalisateur notamment de La Parenthèse enchantée et Anna M.) tient de la gageure. Du pari un peu fou. Presque théâtral. Tenir en haleine le spectateur avec un type qui roule et parle toute la nuit, sur fond de routes et d’autoroutes, de paysages brumeux et de lumières de phares, à sa femme, ses enfants, son chef, son second, un flic, et la personne qu’il va rejoindre.

Même si, parfois, on voit la limite du dispositif, la caméra changeant d’axe uniquement pour le montage, la fluidité, ne pas perdre le spectateur, ce pari est quasiment gagné. Parce que Vincent Lindon, fragile et imposant à la fois, est indiscutable dans ce personnage droit. Cet homme qui décide de faire ce qu’il faut, par rapport à sa propre histoire, à ses propres manques, qui risque de tout perdre pour être là pour quelqu’un qui, pourtant, ne compte pas tant que ça dans sa vie, mais parce qu’il s’est mal conduit une fois, et que parfois, il faut assumer les conséquences de ses actes…

On pense à The Guilty (2018) de Gustav Möller, où un policier aux urgences téléphoniques tente de sauver la vie d’une femme qu’il ne connaît pas. On pense, au théâtre, à La Voix humaine de Jean Cocteau. Et on s’attache à ces fils invisibles qui relient les vies et que ce film imparfait mais culotté rend visibles.