Dans Le Chant du loup, l’ancien diplomate, Antonin Baudry, immerge François Civil, Omar Sy, Mathieu Kassovitz et Reda Kateb vingt mille lieues sous les mers et réalise un thriller sur fond de menace nucléaire haletant.
Le chant du loup, c’est le nom donné à des sonars ennemis. C’est l’appel menaçant d’une sirène lointaine que seule une « oreille d’or » peut détecter, ce professionnel de la défense doté d’une ouïe hors norme et d’une sensibilité extraordinaire. C’est autour de cette belle idée qu’Antonin Baudry, ancien diplomate et auteur de l’excellente bande dessinée Quai d’Orsay (dont il a cosigné la version scénarisée pour le cinéma) nourrit son histoire. Un récit d’une densité impressionnante, où il est question de géopolitique, de guerre nucléaire, et, plus largement, du conflit entre le devoir de soumission aux ordres et l’intuition humaine, parfois plus juste que les règles strictes et immuables.
Autour de son héros doté d’un don exceptionnel, qu’incarne avec beaucoup de charme et d’exactitude le formidable François Civil, Antonin Baudry tisse la toile d’une tragédie antique dont l’essentiel de l’action se déroule dans un sous-marin. Son sens de la narration remarquable happe le spectateur d’emblée et ne lui laisse aucun répit jusqu’à la résolution finale. Rarement un suspense aussi maîtrisé avait-il été observé dans le cinéma français récent. Quel tour de force ! Là où la précision du vocabulaire employé par les protagonistes – véritable jargon militaire – aurait pu nous perdre, Baudry parvient à rendre lisible une intrigue pourtant fort complexe. Ses comédiens, Mathieu Kassovitz, Reda Kateb, François Civil, Omar Sy et les autres, naviguent avec dextérité dans ce milieu codifié à outrance. Baudry parvient à faire ressentir la manière dont communiquent ces professionnels, tant verbalement que par leur gestuelle, car tous déambulent de manière chorégraphique dans cet espace immersif passionnant et délicat à filmer.
Un bémol toutefois à cet efficace ensemble : Le Chant du loup convoque l’invisible inscrit au coeur de son sujet. Mais la mise en scène ne parvient pas à adjoindre à la tension dramatique une réelle dimension métaphysique, qui aurait offert une plus grande aura au film (peu de plans, par exemple, placent le décor dans une perspective plus vaste). C’est, au fond, François Civil, par ses regards, ses silences et la douceur de son jeu, qui suggère la présence d’un mystère. Ce jeune comédien qui monte est décidément à ne pas quitter des yeux.