Une jeune banlieusarde étudiante en droit se retrouve coachée par un prof, roi de la provocation, pour préparer un prestigieux concours d’éloquence. C’est Le Brio d’Yvan Attal, comédie dramatique où l’art de la rhétorique devient une source de suspense jubilatoire.
Dès son préambule, le nouveau film d’Yvan Attal donne le ton : des images d’archives font résonner les voix de Romain Gary, Claude Lévi-Strauss, Serge Gainsbourg et Jacques Brel, comme autant de représentants de la langue française qui font l’éloge de la pensée, de la culture et de l’intelligence – « Oui, c’est un film chauvin ! », admet Yvan Attal. C’est qu’il sera beaucoup question ici d’héritage culturel, de transmission et d’accès possible à la réussite : Le Brio est un film qui fait la nique à la victimisation et se veut porteur d’espoir.
Sa narration repose sur un antagonisme digne des comédies classiques, car tout oppose Neïla Salah, jeune banlieusarde issue de l’immigration à son prof de droit à Assas, Pierre Mazard, mandarin universitaire désabusé, réputé pour son goût de la provocation et ses dérapages. Leur première rencontre tourne d’emblée au vinaigre quand, au beau milieu de l’amphi bondé où elle arrive en retard, Neïla se retrouve humiliée publiquement et Mazard taxé de raciste par des étudiants qui s’empressent de publier ses propos douteux sur les réseaux sociaux. C’est une scène visuellement marquante, rarement observée au cinéma : Yvan Attal donne à sentir la fragilité des échanges entre individus aujourd’hui, à l’heure où la mise à mort publique est rendue possible en un clic. Pour éviter l’éviction lors du conseil de discipline qui le menace, Mazard se voit dès lors proposer par son directeur de prendre Neïla sous son aile et de l’entraîner à un concours d’éloquence inter-universités pour se racheter une conduite. Le Brio ou comment un homme devenu cynique face à un monde qu’il n’aime pas se déguisera en Pygmalion… avant de retrouver un visage plus humain.
Sur la base de cet argument, le réalisateur de Ma femme est une actrice filme avec justesse la trajectoire de son héroïne qui découvre L’Art d’avoir toujours raison de Schopenhauer – « un monsieur très rigolo qui a écrit un livre très rigolo », dixit Mazard dans une séquence délectable -, l’art de l’éloquence et de la dialectique, grâce aux méthodes efficaces d’un professeur aussi odieux qu’attachant. Il faut voir ces deux-là s’entraîner à prendre la parole publiquement dans le métro : ce sont des séquences réjouissantes !
Dans les rôles de l’élève et du maître, l’artiste musicienne et actrice Camélia Jordana et Daniel Auteuil forment un duo inédit très heureux. La fraîcheur de la première et le capital sympathie du second contribuent à la réussite de ce film qui croit ferme dans les vertus de l’effort, et qui jamais ne stigmatise ses personnages dans leur milieu social d’origine. Le Brio est un film à montrer dans les écoles : il pourrait donner de bonnes idées à certains, et de l’énergie à tous.