Land

Le temps indien

Une très belle et courageuse dénonciation des conditions de survie dans une réserve amérindienne, inchangées depuis… 1851 !

Land est un film de fiction. Pourtant, ses premières séquences présentant des décors tous naturels, interprétées d’une manière hyperréaliste par de véritables Amérindiens et dotées d’un rythme très lent, nous ancrent d’emblée dans un univers qui semble avoir été saisi sur le vif. Impression maintenue de bout en bout par Babak Jalali, cinéaste d’origine iranienne, auteur total de ce film, coproduit par l’Italie, la France, les Pays-Bas, le Mexique et le Qatar. Un troisième long-métrage qui, après Frontier Blues en 2009 (sur la cohabitation difficile de trois ethnies, les Perses, les Turcs et les Kazakhs, au nord de l’Iran) et, en 2016, Radio Dreams (sur le combat mené par une radio de langue persane à San Francisco pour diffuser une jam session d’un groupe de rock afghan), correspond donc parfaitement à l’intérêt que Jalali porte régulièrement aux différences ethniques de par le monde.

Land de Babak Jalali. Copyright Bac Films.

Land met en scène les membres d’une famille amérindienne qui survivent plutôt mal au sein d’une réserve située dans l’État du Nouveau-Mexique. Ils apprennent le décès de l’un de leurs enfants, Floyd, militaire en Afghanistan, tué au combat. Le cadet, Wesley, alcoolique au plus haut degré, est le seul qui ne soit pas affecté. Son frère Raymond, lui aussi autrefois alcoolique, maintenant marié et père de famille responsable, mais très velléitaire, s’efforce de faire face à la situation lors de l’enterrement de Floyd. Telle est la trame très simple de ce film où la représentation de la vie sur une réserve – que l’on peut généraliser – est des plus objectives. En effet, Jalali ne fait que remettre à l’ordre du jour, à travers cette famille, l’accablement des différentes tribus condamnées par le Congrès des États-Unis en 1851, à survivre dans des réserves, privées du fondement même de leur mode de vie ancestral, la chasse, n’ayant jamais pu se résoudre à devenir fermiers, a fortiori sur des terres incultivables. D’où le recours à la boisson de Wesley et l’absence d’esprit d’initiative de Raymond. Le cinéaste s’engage encore plus dans la séquence de la cérémonie funéraire, organisée par la U.S. Army, quand il montre comment les Amérindiens refusent d’y associer la bannière étoilée qui recouvre le cercueil, l’officier en charge de la cérémonie n’étant pas autorisé à la reprendre. Une magnifique symbolique rappelant la révolte des hippies dans les années soixante, qui avaient qualifié la Conquête de l’Ouest de véritable ethnocide des premiers habitants de l’Amérique du Nord. Un très beau rappel de la part de ce cinéaste iranien quadragénaire, que très peu de ses collègues d’outre-Atlantique ont osé faire d’une manière aussi clinique.