D’après une histoire vraie, Jean-Paul Salomé tricote un thriller glaçant sur un scandale d’État. Avec Isabelle Huppert en sosie de son modèle : Maureen Kearney, lanceuse d’alerte ayant osé braver l’industrie du nucléaire.
L’histoire est vraie, et on ne peut que saluer ce film qui permet de la remettre sur le devant de la scène. Car elle est abjecte. C’est l’histoire d’une femme que l’on fait taire en la violant, la scarifiant, l’humiliant. Et en mettant ensuite en doute sa parole sur cette attaque d’une violence insensée.
Le contexte est politique, c’est celui, dans les années 2010, des tractations secrètes sur le nucléaire entre la France et la Chine. Maureen Kearney (Isabelle Huppert, tout en chignon hitchcockien, boucles d’oreilles voyantes et énergie infatigable), professeur d’anglais au sein d’Areva, est également représentante syndicale. Elle se bat pour des dizaines de milliers d’emplois en danger au moment où l’entreprise est en grande difficulté. Tandis que la directrice du groupe, Anne Lauvergeon (Marina Foïs, impériale) est remerciée au profit d’un candidat plus dur et plus « aux ordres », Maureen tente d’avertir les hautes sphères des risques de fuite d’un savoir-faire français en matière de nucléaire. Elle le paiera très cher.
L’histoire est vraie, les noms aussi, les faits sont avérés. Mais les commanditaires et les coupables de l’agression de Maureen courent toujours. Coécrit d’après le livre de la journaliste Caroline Michel-Aguirre par Fadette Drouard et Jean-Paul Salomé, le scénario est brillant. Il parvient sans temps mort à jouer la carte du thriller et nous emmener dans ses méandres terrifiants. Mais il se met aussi, et nous à sa suite, à la place de Maureen : dans son intimité et son ressenti, ses secrets aussi, ou ses comportements inexplicables. Sans oublier l’impact sur ses proches, notamment lors des deux procès. Maureen, on le voit à des détails vestimentaires, à des regards condescendants, ne joue pas dans la même cour que ceux qu’elle affronte. Ils sont bien plus riches et bien plus puissants. De plus, elle est une femme et subit le pouvoir des hommes.
Classique dans sa forme, parfois suréclairé sur le visage de la star, le film cède à quelques passages obligés et charge un peu la barque par instants. Mais il n’en est pas moins une réussite. Sa mécanique implacable et son interprétation impeccable sont les deux forces de ce récit, qui nous captive autant qu’il nous révolte.