Au-delà d’un simple film sur le thème de la cuisine au cinéma, La Saveur des ramen d’Eric Khoo est un témoignage raffiné sur la quête d’identité et l’importance de la transmission.
Sélectionné à la dernière Berlinale dans la section « kulinarisches kino », s’inscrivant dans une longue liste de films alliant cuisine et cinéma, La Saveur des Ramen est le dixième long-métrage du singapourien Eric Khoo. Le film est entièrement centré sur l’art de la préparation du ramen (ou du bak kut teh dans sa version singapourienne), un met délicat mondialement connu, typique de la culture asiatique, qui est constitué de pâtes dans un bouillon assaisonné de poisson ou de viande. Au travers du trajet fictionnel de son personnage Matsao, ce plat – auquel la moitié du monde voue un véritable culte – illustre l’idée que la nourriture est l’un des marqueurs les plus évidents d’une identité culturelle : né d’un père japonais et d’une mère singapourienne, Matsao est un jeune chef cuisinier. Il rêve de retrouver les sensations de son enfance nourrie aux odeurs et aux parfums des ramen que lui préparait sa mère, aujourd’hui disparue. Dès lors, il part à la recherche des saveurs oubliées, retrouve les traces d’un oncle et tombe nez à nez avec sa grand-mère oubliée. Émoustillé par ses papilles, Matsao déterre alors les secrets enfouis de son histoire et de ses origines…
Malgré l’aspect relativement classique du film, Eric Khoo mélange adroitement passé et présent dont le télescopage a pour enjeu de nourrir une intrigue qui avance tout en douceur. Cette qualité repose beaucoup sur le visage innocent de Takumi Saito (Matsao), acteur et chanteur pop japonais bien connu de son pays. À lui seul, il incarne la quiétude désenchantée de la jeunesse nippone contemporaine, aussi naïve qu’introvertie. Et si Matsao se met à vibrer, c’est graduellement, dans un équilibre assez savant où les révélations intimes s’enchevêtrent aux détails de la préparation des plats. Cette cuisine particulière parvient à nous mettre rapidement l’eau à la bouche et, surtout, elle nous cueille littéralement lors d’une scène finale magnifique sur la transmission entre générations, rassasiant là notre appétit d’émotion.