La 52e édition du Festival La Rochelle Cinéma (Fema) rend hommage à Natalie Wood du 28 juin au 7 juillet avec une rétrospective et une table ronde dédiées. L’affiche de l’édition 2024, peinte par Stanislas Bouvier, s’inspire d’un photogramme de La Fureur d’aimer d’Irving Rapper (1958). Gene Kelly perd son visage au profit d’une silhouette sans traits. L’inquiétante étrangeté s’installe et fait émerger la beauté délicate de cette actrice au regard d’enfant, dont voici le portrait.
Pour les cinéphiles d’hier et d’aujourd’hui, le nom de Natalie Wood est principalement associé à la première version de West Side Story de Robert Wise et Jerome Robbins en 1961. Aux États-Unis, on n’omet pas d’ajouter La Fièvre dans le sang d’Elia Kazan, dont la scène finale avait tiré les larmes de toute la jeunesse cette même année. Âgée alors de vingt-trois ans, Natalie Wood était déjà connue du public pour ses rôles de petite fille et d’adolescente. En effet, littéralement jetée par sa mère sur le giron d’Irving Pichel en train de tourner la séquence du défilé de son film Happy Land (1943), Natalie, alors âgée de cinq ans, impressionna fortement le réalisateur par sa spontanéité. Non seulement il l’inclut aussitôt dans une courte scène de quinze secondes, où elle fait tomber son cornet de glace sur le trottoir, mais il l’engagea pour ses deux films suivants. Constamment encouragée par sa mère, Natalie Wood devint vite une « child actress » régulièrement sollicitée surtout après son interprétation plus conséquente dans Le Miracle de la 34e Rue (George Seaton, 1947). Elle ne cessa de tourner tout au long des années suivantes dans une multitude de films médiocres, à l’exception de L’Aventure de Madame Muir (Joseph L. Mankiewicz, 1947). Adolescente, dotée d’un beau physique de « bobby soxer » des Fifties, elle fut la partenaire idéale de James Dean dans La Fureur de vivre (Nicholas Ray, 1955) et celle de John Wayne, qui la sauve de l’emprise indienne dans La Prisonnière du désert (John Ford, 1956). Devenue star en 1961 après son triomphe personnel dans La Fièvre dans le sang et West Side Story, sa popularité fut confirmée par le succès du drame musical Gypsy, Vénus de Broadway (Mervyn LeRoy, 1962), où elle interprétait un personnage au destin proche de celui qu’elle avait connu dans son enfance. En outre, elle y interprétait elle-même les chansons, contrairement à celles de West Side Story où elle avait été doublée par la soprano Marni Dixon.
Une accession au rang de star qui fut brusquement entachée par une succession d’échecs au box-office, malgré la qualité évidente de certains titres que ne sut pas percevoir le public, comme Une certaine rencontre (Robert Mulligan, 1963), Une vierge sur canapé (Richard Quine, 1964), Daisy Clover (Mulligan, 1965) ou encore Propriété interdite (Sydney Pollack, 1966). Sa vie privée particulièrement agitée, dont s’emparèrent les médias, l’amena à suivre plusieurs traitements psychothérapiques, à se retirer pendant trois ans et à fonder une famille. Autre échec brièvement écarté par le succès international de la comédie libertaire de Paul Mazursky, Bob et Carole et Ted et Alice en 1969, mais suivi à nouveau d’autres flops en série. Dotée d’une forte personnalité, la star déchue du grand écran parvint malgré tout à conserver ce niveau de réussite personnelle sur le petit en tenant les rôles féminins principaux dans les remakes TV de La Chatte sur un toit brûlant en 1976 et de Tant qu’il y aura des hommes en 1979. Sa mystérieuse mort par noyade en 1981 ne lui attribua pas le statut de légende, mais n’entama point le souvenir ému que les cinéphiles exigeants ont conservé d’elle au fil du temps. Ainsi demeure-t-elle à leurs yeux comme l’une des plus talentueuses actrices que Hollywood a engendrées, son rôle de Deanie dans La Fièvre dans le sang n’ayant jamais cessé d’impressionner et d’émouvoir. Elle demeure inoubliable grâce à l’ample étendue de la gamme d’attitudes qu’elle a incarnées dans ce film et plusieurs autres : innocence et sensualité, tendresse et violence, équilibre et aliénation, enthousiasme et détresse, bonheur et mélancolie… toute la complexe richesse de la psyché féminine américaine que Hollywood a souvent confiée à ses diverses actrices et que Natalie Wood à elle seule et grâce à son beau regard sombre, est parvenue à assumer entièrement. L’hommage que lui rend la 52e édition du Festival La Rochelle Cinéma (Fema) en sera la parfaite illustration et contribuera certainement à faire partager et perpétuer sa si touchante sensibilité exacerbée.