À gauche, on descend ! Michel Leclerc passe en comique supérieur et balance avec insolence sur les bobos de l’école. Les rires redoublent, on en redemande et on en voudrait même plus, pour que ça cogne encore plus fort.
L’école est une sorte de République miniature, avec sa société instituée, son administration, ses gouvernants, ses droits, ses devoirs, ses valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité, et aussi, son régime laïc. Une République miniature traversée des débats qui agitent la société : la réduction des inégalités, l’intégration sociale, la désintégration, la religion, le racisme, la violence, l’injustice, la discrimination…
Si Michel Leclerc pousse la porte d’une école primaire en banlieue parisienne, à Bagnolet, ce n’est pas vraiment pour voir comment y vivent, apprennent et travaillent les garçons et les filles, ni comment ils se dépatouillent avec tout ça, ces débats et les valeurs républicaines, la morale laïque, l’apprentissage, y compris celui de la citoyenneté et du vivre ensemble. Ce n’est pas pour disserter sur cette réussite, ou non, qu’il va voir entre les murs de l’école : il n’est pas là pour distribuer des bons points. Ce qui intéresse Michel Leclerc, ce sont les grandes personnes. Il y a l’institutrice (Baya Kasmi, dépassée), le directeur d’école (Ramzy Bedia, surpassé) et les parents (démoralisés), avec les gamins autour.
Ah, les parents ! Édouard Baer est un père pépère, bon vieux rocker contestataire venu de l’ancien monde des clivages politiques dessinés. Leïla Bekhti, brillante avocate, est une mère au bord de la crise de nerfs. Ils sont de gauche, non pas militants au parti, camarades, mais bobos du camp progressiste, avec des valeurs de gauche, attachés à la mini-République de l’école et à l’enseignement public, avec exaltation du mérite et de l’excellence. Sauf que, face aux échecs guère discutables de l’école (baisse du niveau des élèves, difficultés d’apprentissage, indiscipline en classe, creusement des inégalités), le réalisme social les rattrape : c’est la crise et la chute des idéaux.
La lutte dans les classes devient une lutte entre les classes, par un renversement des valeurs et de la croyance en l’égalité des chances, en la fraternité entre les gens, en la mixité avec les populations défavorisées. Où les parents qui ne veulent que la réussite de leur petit, au fond, et n’écoutant que leur cœur, sont prêts à l’entre-soi social et au contournement de la carte scolaire. Malgré eux, les voici cédant à leur tour à la ségrégation sociale et ethnique, par peur du déclassement. À gauche, on descend, et on devient libéral, l’air de rien ! Avec le droit revendiqué de choisir son école, ou de fuir vers le privé à l’école des curés, en un combat douteux qui remet en cause le système éducatif public et républicain.
Avec ce chagrin d’école, Michel Leclerc ( Le Nom des gens, Télé Gaucho,, La Vie très privée de Monsieur Sim) poursuit sa chronique politique et sociale, côté gauche. Il pique et fait mouche, mû par une vision lucide et une lecture stimulante de l’école et de ses difficultés. La comédie est enlevée, les rires redoublent et on en redemande. D’autant que Michel Leclerc a un faible pour ses personnages, certes moqués, caricaturés, mais pas délaissés. On a pour eux, et avec lui, une bonne dose d’affection. Ils sont sympas, attachants, on leur pardonne leurs préjugés, leurs incohérences, leurs contradictions, parce qu’ils ne sont pas méchants en vrai.
La comédie acide finit en feel-good movie enthousiaste et optimiste, rassembleur et consensuel. Et c’est sans doute la limite de la critique de Michel Leclerc, pas donneur de leçon : La Lutte des classes, si elle met bien en lumière des stratégies d’évitement scolaire décomplexées, ne rentre pas dans le lard. On rigole, joyeux, alors qu’en vérité, l’école publique est menacée par les tricheurs, contre les principes républicains, et que ce n’est pas une blague de cour de récré.