La Forme de l’eau - The Shape of Water
La Forme de l’eau - The Shape of Water, l’art de l’enchantement
La Forme de l’eau a remporté cette nuit 4 statuettes à Hollywood : Meilleur film, Meilleur réalisateur pour Guillermo del Toro, Meilleurs décors et direction artistique pour Paul Denham Austerberry, Shane Vieau et Jeff Melvin, et Meilleure musique pour Alexandre Desplat.
Fadette Drouard (journaliste et scénariste – nommée aux César dans la catégorie Meilleure adaptation pour Patients de Grand Corps Malade et Mehdi Idir) déclare sa flamme au cinéaste mexicain.
Mais comment fait-il ? Film après film, créature après créature, Guillermo del Toro poursuit son entreprise d’enchantement, allant puiser à la source de notre imaginaire collectif une véritable eau des merveilles. Ivre de beauté et de puissance, La Forme de l’eau – The Shape of Water est de la même veine féérique.
Une créature ramenée d’Amazonie, vénérée comme un dieu, étudiée par une société américaine prônant la guerre, écrasant toute beauté avec acharnement. Une jeune princesse muette, pleine de fantaisie et rêvant d’ailleurs, qui fait le ménage dans un bunker top secret.
La rencontre se fait autour d’œufs durs et de musique, avec bonheur. Et ils vécurent heureux ? Pas si simple…
Bien sûr, il y a le grand méchant, celui qui veut les séparer, imperméable qu’il est à toute chose autre que son « rêve américain » cauchemardesque.
Avec La Forme de l’eau – The Shape of Water, Del Toro signe un film parfait. Personnages secondaires aux arcs narratifs forts et au potentiel de comédie idoine, mise en scène impeccablement léchée, qui déroule les effets aquatiques sans pour autant devenir de l’eau lourde, jusqu’aux costumes de ses personnages… Et quels personnages ! Sa créature est à la fois fascinante et mystérieuse, et le duo avec Sally Hawkins est impeccable. L’actrice, la princesse, est à la fois forte et fragile, un merveilleux portrait de femme moderne. Entourée d’une galerie d’inadaptés, parce que trop noire, trop russe ou trop gay, elle mène sa barque en se disant qu’autre chose est possible. D’ailleurs, elle ne dort pas dans son lit, sûrement parce que son sommeil n’est qu’une sieste en attendant sa grande aventure…
Depuis bien longtemps maintenant, on sait que Guillermo del Toro est un réalisateur hors norme. Capable de nous faire aimer ses monstres avec passion, trouvant de la beauté dans tout, dans tous ou presque. On sait aussi qu’il aime la différence, avec la même passion. Il crée des univers fantastiques, des marchés de trolls, des armées d’or et des monstres merveilleux, et les fait intervenir dans notre société, avec une poésie qui n’est pas sans rappeler le Burton d’Edward aux mains d’argent.
Tous deux racontent l’histoire de personnages purs dans leurs instincts, des « innocents » pour Burton, des « monstres » pour Del Toro, deux mots différents pour raconter des freaks, des personnages que la société rangée juge inadéquats, mais qui portent en eux la vérité, la beauté qui enchante – presque malgré eux – un monde trop gris, triste, cadré, où les Hommes ont perverti les âmes pures.
Leurs créatures sont celles qui vont faire déborder le vase, faire s’échapper avec eux ceux qui ont su garder une âme d’enfant, qui ont su voir leur poésie…
Additionnant des gouttes de petits effets, de petits rires, de petits sourires et de petites larmes, The Shape of Water peint une merveilleuse aquarelle, et confirme que Guillermo del Toro est un grand réalisateur, qui signe là un grand film.