Recueillir la parole des réfugiés du Darfour et leur donner accès à une vie chez nous. Voilà l’indispensable travail de Marie-José Tubiana.
Jadis ethnologue, spécialiste du Darfour, où elle s’est rendue dès la fin des années 1950, Marie-José Tubiana, 90 ans, a passé une partie de sa vie au Soudan et l’autre à étudier et écrire dessus, à prendre des photos ou filmer (c’est Jean Rouch qui lui a appris à manier une caméra !). Elle en a une connaissance profonde, intime, inestimable.
Depuis plus de dix ans, cette petite vieille dame à l’impeccable brushing de cheveux blancs accueille chaque jour chez elle, à la table de son salon, des réfugiés du Darfour (et leur traducteur). Elle écoute longuement les récits, prenant des notes, posant des questions, regardant avec eux des cartes du pays qu’elle a elle-même dessinées ou complétées pour retrouver leur village. De ces conversations paisibles et douloureuses, où souvent les larmes montent aux yeux, elle écrit des comptes-rendus factuels, demandant à l’OFPRA (Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides) de considérer ou reconsidérer la demande d’asile.
Femme de cœur, juste parmi les justes, Marie-José Tubiana est sans aucun doute un personnage, que le réalisateur Camille Ponsin filme dans son combat quotidien pour aider les réfugiés. Ce faisant, il raconte aussi un pan d’histoire, devenu comme un bruit de fond charrié par nos journaux télévisés depuis plus de vingt ans ; la guerre du Darfour et ses conséquences prennent ici une réalité tangible et un visage, des visages, humains.
Isabelle Danel