Le nouvel opus de Denys Arcand est une odyssée. Une parabole sur notre époque, phagocytée par l’argent. Un travail ambitieux et réjouissant, pour un film qui mêle les humeurs et raconte cette planète de dingue.
Indécrottable portraitiste de ses contemporains, Denys Arcand s’attaque cette fois à l’opium de son temps via le spectre économique. Un braquage qui dégénère entraîne une série de personnages à un montage financier ingénieux, qui défie les lois de la moralité et de la transparence. Au centre du jeu, un brillant trentenaire diplômé en philo, mais coincé en livreur chauffeur, une escort girl de haut vol au portefeuille et carnet d’adresses fournis, un ex-voyou ex-taulard baroudeur et reconverti en as de la finance, et un avocat vieux de la vieille et maître en placements opaques.
Pas de cynisme dans le regard du cinéaste. Juste une reconstitution délicieusement féroce de lucidité. Alliant intelligence, beauté, tactique et réseautage, la maligne équipe de ses personnages arrive à ses fins pour parachever le top du top, dans notre ère de la mondialisation et de l’écrasement généralisé des masses : se faire une place dorée en surpassant les codes du système. Un jeu confondant qui s’attaque au déterminisme, et confirme que l’homme est un loup pour l’homme. Mais, parfois, un os enraye la moulinette, ici le sexe, qui fut le sujet du Déclin de l’empire américain du même Arcand, il y a plus de trente ans.
Trois générations plus tard, finie l’insouciance. L’individualisme triomphant s’accompagne au mieux aujourd’hui d’une timide altérité, et d’un altruisme « raisonné ». Générosité d’accord, mais pas trop. Étonnant de voir le cinéma du fameux Québécois virer au thriller, avec fluidité de récit, enchaînements de péripéties, et malice d’exécution. Sans oublier un duo de flics tout droit sorti d’une série télé formatée. En jouant avec les archétypes, Arcand avance, mais ne perd pas en acuité. Il y a du rififi à Montréal !