Le sixième film de Dany Boon revient au sujet qui a fait son plus grand succès à ce jour : le Nord. L’occasion d’une comédie tendre et réussie, sûrement la plus personnelle du comédien-réalisateur.
WARNING…
Une fois n’est pas coutume, il va falloir commencer par parler de l’auteur de ces lignes. Je suis ch’ti. Née à Tourcoing, j’ai grandi là-bas et j’ai commencé à y travailler en tant que critique cinéma en Presse Quotidienne Régionale.
Alors oui, je suis de celles qui parlent de « wassingue « , de « crayon de bois « , et il m’arrive de glisser au milieu de mes phrases : « carette » et autres « cayelle », sans oublier de « braire » s’il « drache « , enfin vous avez compris le principe.
Non, je n’ai pas l’accent, enfin pas toujours, même s’il a tendance à revenir quand je croise des Nordistes, parce que les racines ne sont pas bien loin et qu’on reste des « moqueux’d’gins « …
J’étais en 2008 à la sortie de Bienvenue chez les Ch’tis en poste à Lille… Et j’ai souffert. Parce que, pendant plus d’un an, on m’a appelée « biloute », on s’est marré à chaque fois que je disais : « Je te dis quoi » (j’ai essayé d’arrêter, mais allez-y, arrêtez du jour au lendemain de parler comme vous le faites depuis vint-cinq ans, vous…).
Enfin bref, j’ai toujours aimé ma région et là, j’en voulais à Dany. Au lieu de me regarder avec pitié comme on le faisait depuis toujours quand je disais que je venais « du Nord », on me sortait vannes et poncifs, j’en venais presque à regretter la grimace « aïe » à l’annonce de mes origines.
Tout cela pour vous dire que j’allais voir La Ch’tite Famille avec beaucoup d’appréhension…
ALLONS-Y
Et le nouveau film de Dany Boon qui parle de sa région… est une très bonne surprise.
Cette fois, il raconte donc les tribulations d’un Ch’ti parti à Paris faire sa vie en tant que designer hyperbranché, aux côtés de sa femme. À tout le monde, il a dit qu’il était orphelin. Alors, quand sa famille débarque au Palais de Tokyo en pleine rétrospective, c’est une catastrophe. Qui devient un enfer pour son épouse quand il a, en plus, un accident de voiture et devient amnésique, retournant mentalement à ses 17 ans, quand il écumait les routes nordistes sur sa mobylette et parlait avec un très très fort accent.
Passons outre une exposition un peu maladroite de la famille, pour embarquer avec la « ch’tite famille » sur les chapeaux de roues à l’arrivée des Ch’tis dans l’appartement design et foncièrement inconfortable de Valentin et Constance, ou encore dans son monde parisien très huppé. Le choc des mondes. Ce n’est pas une nouveauté, certes, et ça marche toujours, de jouer la lutte des classes dans un mouchoir de poche. Mais là où le film marche à plein, c’est que ces Ch’tis, s’ils sont un rien butés et sortis de leur province, sont ultrasympathiques, et empathiques. Pas méchants pour deux sous, ils veulent « bien faire » et ce n’est donc pas d’eux que l’on rit, mais avec eux.
Et on rit. Beaucoup. Dans son premier film estampillé « nordiste », Dany Boon avait éclusé les spécificités les plus évidentes des uns et des autres, restent donc les plus avancées, et les plus fines. Alors, certes, quelques-uns auront du mal à comprendre parfois, mais il a aussi évité les sous-titres (ce que ne font pas toujours les JT et autres reportages !). Le tout est assez salutaire, sans aller dans le « bon sens près de chez vous » qui aurait pu plomber. On rit donc. Et on pleure aussi. Parce que Dany Boon a eu l’heur de miser sur un duo parfait : celui qu’il forme avec Line Renaud. Leur complicité mère-fils marche à plein et ils véhiculent une émotion communicative. Des liens uniques, de la même veine que ceux qu’il creuse film après film avec Guy Lecluyse, frère de cinéma qui devient devant la caméra frère de sang, et là encore, la réalité nourrit la fiction.
La Ch’tite Famille est sans aucun doute le film le plus tendre de Dany Boon, qui ose s’aventurer sur des terrains qu’il avait soigneusement abandonnés jusque là : celui de l’émotion, de l’intimité. On le retrouve proche de celui qu’il était dans ses tout premiers spectacles, jouant avec brio sur le rire et les larmes, complice avec son spectateur. Bien sûr que ce Valentin, qui a gommé son accent ch’ti et ses racines jusqu’à renier sa famille, il lui parle. Mais plus que ça, il nous parle, à tous, parce qu’on a tous un jour eu honte de notre famille, de nos racines.
En contant sa petite histoire, ses sentiments, Dany Boon parle au-delà du patois nordiste : une langue universelle, et c’est pour cela aussi que La Ch’tite Famille est un film réussi.