La réalisatrice Kaouther Ben Hania filme en neuf plans-séquences ultra-maîtrisés la nuit infernale d’une jeune Tunisienne victime d’un viol, en lutte pour obtenir justice auprès de ses bourreaux. Un film à couper le souffle.
Cela débute comme un teen movie. Mariam, une jeune Tunisienne, et ses copines se font belles pour se rendre à une fête d’étudiants. Sauf que tout, dans la lumière contrastée et le plan-séquence qui enferme les protagonistes dans son mouvement serpentant, laisse entrevoir une sombre issue. Le plan suivant, on retrouve Mariam dans la rue en état de choc. Dans l’intervalle, elle aura été violée par des policiers en faction et, accompagnée de Youssef, le garçon qu’elle convoitait pendant la soirée, tentera de voir un médecin à l’hôpital afin de pouvoir porter plainte. C’est le début d’une descente aux enfers nocturne, construite en neuf plans-séquences d’une virtuosité remarquable, où l’on suivra la victime face à une situation absurde : comment obtenir justice quand celle-ci se trouve du côté des bourreaux ?
La réalisatrice Kaouther Ben Hania (Zaineb n’aime pas la neige, Le Challat de Tunis) s’est inspirée d’un fait divers et du livre qui le relate, Coupable d’avoir été violée (Éditions Michel Lafon) pour écrire son scénario. La bonne idée : l’usage de l’ellipse et l’écriture en neuf plans-séquences tournés dans une unité de temps (une nuit). La Belle et la Meute avance ainsi, radical, porté par une énergie chorale : celle des acteurs, tous épatants (mention spéciale à la jeune Mariam Al Ferjani dans le rôle principal) et celle d’une équipe technique au diapason avec les exigences de la réalisatrice.
On suit donc la douloureuse trajectoire de Mariam, le cœur serré et l’estomac noué, que la mise en scène, au cordeau, fait passer du fait divers révoltant au film de genre, aller et retour – le thriller psychologique, le film de traque, voire le film de zombie auquel il est fait référence lors d’un dialogue. L’idée est brillante et la réalisation est à sa hauteur. Ainsi La Belle et la Meute rend-il compte de l’état d’un pays en mutation – l’action se passe après 2011 –, à l’heure où la hiérarchie administrative n’a pas encore trouvé son positionnement. On en ressort épaté par la virtuosité du résultat et retourné par le propos.