Librement inspiré de l’autobiographie de Keiko Ogasawara, première femme malentendante à obtenir dans les années 2000 une licence professionnelle de boxe au Japon, ce film s’attarde avec douceur sur les efforts quotidiens d’une sportive handicapée. Pour qui le triomphe ne représente pas forcément une médaille.
Keiko mesure 1 mètre 51. Elle manque de vitesse. Elle n’entend pas. Ses bras sont courts. Une seule de ces caractéristiques suffirait à dissuader tout bookmaker à parier sur sa victoire à un match de boxe. Mais heureusement pour elle, ses entraîneurs ont su déceler son remarquable potentiel de championne : de grandes ressources humaines couplant persévérance et sincérité.
Habituée sur le ring à prendre et à rendre des coups, la jeune femme connaîtra bien sûr la chute. Sauf qu’il s’agit là d’un vacillement intérieur, face à un obstacle de nature psychologique. À la suite de la fermeture de son club et au départ de son mentor, un découragement sournois s’empare en effet peu à peu d’elle. Doit-elle, par sens du devoir, cheminer vers la voie de l’ambition ? Ou bien renoncer ?
À partir de ces atermoiements, le cinéaste japonais Shô Moiyake, dont les trois précédents longs métrages présentés en festivals, sont inconnus de nos écrans, réalise ici un film d’apprentissage délicat. Mais sa nonchalance nous laisse aussi parfois de marbre. Malgré le talent manifeste du chef opérateur Isamu Fujii à mettre en valeur les personnages, l’homogénéité de la lumière finit par uniformiser les scènes plutôt qu’à mettre en relief les plus saillantes d’entre elles. En dépit d’un montage alterné censé varier les environnements, nul lieu ne se différencie véritablement, nul endroit n’est in fine spécialement accueillant : dans ce Tokyo moderne, l’herbe apparaît marronne, l’eau terne et les habits dénués de fantaisie.
En dépit de cette mise en scène quelque peu itérative, La beauté du geste parvient à faire naître l’émotion. Yukino Kishii, interprète de l’héroïne introvertie, y est pour beaucoup. Peu expérimentée dans le septième art, elle est pourtant capable, par l’intensité de son regard, de transmettre dans une même scène des sentiments aussi disparates que la colère, la tristesse et la joie. Chez Keiko, la rigueur dénuée d’auto-apitoiement nous charme ; celle-ci courant par tout temps, cherchant vigoureusement à comprendre son interlocuteur même lorsqu’un masque l’empêche de lire sur ses lèvres.
Là où elle est, l’émotion prime. Ce tour de force a été rendu possible par le travail de l’ingénieur du son Takamitsu Kawai. Au chahut escompté des films de boxe, celui-ci a préféré valoriser les silences des sportifs. Ils reflètent certes l’isolement de Keiko, mais à l’inverse, accentuent l’attention portée à ses rares mots, aux signes de la main qu’elle emploie pour s’exprimer. Jusqu’à consolider notre opinion à son égard : ce qu’elle ne dit pas nous la rend attachante.