Les débuts dans le long-métrage de David Roux sont une heureuse surprise. Un scénario dense et prenant, une mise en scène tenue, et une direction d’acteurs inspirée. Et la portée universelle de son témoignage humain. Bouleversant.
À la vision de ce premier film, une chose est sûre, son réalisateur assure. David Roux a mené deux courts-métrages auparavant, Leur jeunesse et Répétitions. Du premier, chronique de deux jeunes Roms au bord de l’expulsion de leur logement, il prolonge un travail sur le vécu de l’urgence. Du second, portrait de l’homme d’entretien d’un vieux théâtre, il affine la peinture d’un personnage qui arpente un lieu entité, et l’idée de la perte. Ici, il est question d’un médecin, dont le quotidien balisé dans son hôpital périclite, quand sa mère y est admise à la suite de sa rechute de cancer. De la mécanique soudain dynamitée par l’émotion.
Le jeune cinéaste fait de son terreau familial une œuvre de fiction. Le héros évoque en effet son propre frère, toubib en soins intensifs, et la mort de leur mère. Comme dans les bonnes adaptations littéraires, c’est la trahison qui débouche sur une proposition réussie. Ce récit n’est pas le compte rendu à la lettre du vécu intime réel. L’écriture, fine, précise, s’autorise de la création pure, dans les caractères comme dans l’agencement des forces en jeu. De la force, il y en a. De la puissance, même. La sève existentielle inonde ce parcours du combattant d’un fils qui doit accepter la mort en marche de celle qui lui a donné la vie. Dans son cadre à lui, alors qu’il est là pour soigner et guérir. Déchirement abyssal.
La mise en scène frontale lie l’implacable à la bienveillance. La gestion de l’espace confiné impressionne, tant le royaume tangible du soin est doublé d’une vision organique des sous-sols, sas de décompression du personnel. On sort très peu du cadre hospitalier, miroir de la cage mentale où cohabitent de façon houleuse raison et sentiments. Pour incarner ces âmes mises à l’épreuve, des visages et des corps avancent en harmonie, subtilement accompagnés par leur chef d’orchestre. Jérémie Renier et Marthe Keller, dont le jeu à l’os fuit le pathos et la démonstration, en contrepoint de la spontanéité de Zita Hanrot, et des accents bouleversants de Maud Wyler et Alain Libolt. Loin d’être plombant, L’Ordre des médecins nourrit d’une lumière précieuse. Cinématographique et humaniste.