Un homme aime une femme. Mais entre elle et lui, un fantôme, un enfant et une autre femme font obstacle. En une heure quinze, Louis Garrel filme les soubresauts de cette histoire écrite comme un thriller sentimental. Un petit bijou de cinéma.
La séquence d’ouverture est d’anthologie. Marianne annonce à son compagnon, Abel, qu’elle attend un enfant d’un ami à lui, et qu’elle va bientôt épouser cet autre homme. Face à elle, Abel n’oppose aucune résistance, et à la manière de Buster Keaton, prend le coup de massue sur la tête, chute dans l’escalier en partant et poursuit son chemin l’air de rien. Cette antiscène de ménage, à mille lieues du théâtre de boulevard, donne le ton de ce film singulier, coécrit par Louis Garrel et Jean-Claude Carrière, où la simplicité et la douceur font le lit d’une inquiétante étrangeté.
Car le tour de force de ce récit est de parvenir à tisser en un temps ramassé des rebondissements inattendus à des tonalités différentes. Ainsi L’Homme fidèle s’apparente-t-il autant à un drame qu’à un thriller et une comédie sentimentale, avec une très légère touche de fantastique (à travers le personnage, formidable, de l’enfant). Naviguant d’une couleur à une autre, la narration, intelligemment soutenue par une triple voix off, procède par tournants successifs et tire son fil ténu avec un calme olympien.
C’est qu’on n’élève jamais le ton dans cette histoire. Il s’y passe des choses douloureuses, chaque personnage y est chahuté, mais aucun ne réagit comme le spectateur pourrait l’imaginer.
Comme si une force de vaste ampleur maintenait droits ces êtres dont les prénoms – Abel, Marianne, Ève – semblent les relier à de puissants archétypes. Ainsi Laetitia Casta, a-t-elle pensé à Athéna pour nourrir Marianne. Impériale et précise, elle trouve là un de ses plus beaux rôles à ce jour (avec la Bardot de Gainsbourg, vie héroïque).
Ce marivaudage mi-grave mi-léger revêt des atours de récit mythologique qui ne dit pas son nom. Voici l’histoire d’un homme fidèle à lui-même qui aime une femme. C’est simple comme le jour, et c’est compliqué tout autant. C’est une histoire d’aujourd’hui, et une histoire de toujours, contée ici avec une rigueur remarquable.