Après Le Havre, son chant de liberté, le cinéaste finlandais signe le deuxième opus de ce qui doit être une trilogie sur l’immigration. Ou sur la grandeur humaine.
Qu’est-ce qu’un film politique ? Un film qui crie, plus fort, un film qui revendique, plus haut, un film qui dénonce, très dur ? C’est tout le contraire de L’Autre Côté de l’espoir, du côté d’Aki Kaurismäki. Ce film très certainement politique ne fait pas de bruit, il chuchote, chante même beaucoup, ne prend jamais position de front. Et pourtant tout est là, tout est dit, de la tragédie des migrants, de la guerre qu’ils ont quittée dans la douleur, des conditions de leur survie ailleurs, de leur combat pour obtenir l’asile politique et des papiers, des conditions de leur détention dans des centres d’accueil, de la froide machine administrative et policière.
Aki Kaurismäki ne triche pas avec ces histoires. Il ne triche pas avec l’acteur qui joue Khaled, réfugié syrien débarqué à Helsinki après avoir fui la guerre, et qui y croise son ange gardien, un chef d’entreprise de la cinquantaine qui a quitté sa femme alcoolique, quitté son travail et racheté un restaurant. Sherwan Haji est lui-même arrivé de Syrie en Finlande, en 2010, et ce destin de réfugié qui se confond avec celui de son personnage ne ment pas. C’est lui qui, dans le film, joue un air nostalgique de son pays au saz, un luth, à ses compagnons demandeurs d’asile. Il joue, il ne fait pas semblant, et c’est tout ce cinéma qui résonne de cette musique de l’éclatante vérité. Le pouvoir du cinéma est de nous faire croire, et ici, nous croyons voir la vérité des hommes qui partent et qui arrivent ici. Aki Kaurimäki, avec L’Autre Côté de l’espoir, joue finement, sur la corde sensible. Il ne tient pas de discours qui braquent les oppositions, il met les rieurs de son côté. Voilà la parti pris assumé : « L’autre côté de l’espoir est, je l’avoue volontiers, un film qui tend dans une certaine mesure et sans scrupules à influer sur l’opinion du spectateur et essaie de manipuler ses sentiments pour y parvenir ». Toujours au côté de son personnage, comme si la caméra lui tenait le bras, compassionnel et altruiste, il s’est dégagé de tout manichéisme pour mieux engager son film politique, « briser le point de vue européen sur les réfugiés considérés tantôt comme des victimes, objets de notre apitoiement, tantôt comme des réfugiés économiques, qui avec insolence veulent prendre notre travail, nos femmes, nos logements et nos voitures ».
Politique, ce cinéma ne cesse d’être soigné, plein de beaux plans sur le théâtre de la vie et sa lumière magnifique, dont le cinéaste finlandais saisit et recrée l’aura essentielle et magnifique. Des gens de bien, des braves gens, au cœur élégant, simple, sincère, traversent cette belle histoire idéale, joli conte social sans cesse menacé d’être poignardé, planté d’un couteau dans le ventre au cœur d’un sombre parking souterrain. Les vieilles haines rances ne sont jamais loin, même de l’autre côté de l’espoir.