Jeune photographe, Amel (Hafsia Herzi) perd son mari dans un accident. Avec l’aide de son beau-père, elle se lance dans un nouveau projet photographique sulfureux, comme une manière de faire son deuil, de passer à autre chose : une série photo érotique de jeunes hommes tunisiens. A travers son personnage principal, Mehdi Ben Attia signe le portrait d’une Tunisie jeune, moderne et résolument libre.
Tunis, de nos jours. Il y a sept ans, s’achevait la Révolution “de Jasmin“, qui a amené des centaines de tunisiens dans les rues. De jeunes gens, comme ceux que photographie Amel, même si ceux-là ne sont pas politisés. Pas vraiment. Le seul à manier la rhétorique politique avec délectation est un vieillard. C’est Taïeb, le beau-père et (trop) généreux mécène d’Amel. Un intellectuel de gauche, comme on peut en retrouver à Paris, New York ou dans n’importe quelle grande ville occidentale. Bourgeois, bobos et jeunes paumés mais débrouillards, L’Amour des hommes nous offre un panel de personnages urbains familiers au spectateur français mais pourtant résolument tunisiens.
Car la Tunisie de Mehdi Ben Attia n’est ni misérable, ni “en voie de développement“. C’est un pays ressemblant peu ou prou à la France. On y vit les mêmes histoires d’amour. A quelques différences près. Amel, la France, elle connait. Elle y a grandit. Si bien qu’à Tunis, la tunisienne passe pour une étrangère, on la prend parfois pour une libanaise. Les garçons surtout. Il paraît que “les libanaises sont plus chaudes“, fait remarquer l’un d’eux.
Elle est là, la petite différence, le problème de cette société tunisienne presque en phase avec la modernité : une relation pas toujours très saine avec la sexualité. Bien sûr, pas de Charia répressive ou d’interdiction formelle dans ce pays nouvellement “libre“. L’expo d’Amel, aussi érotique soit-elle sera autorisée par le gouvernement (“tant qu’il n’y a pas de sexes en érection, ça va“, comprendra-t-on dans le film). Mais le malaise est plus induit dans la société tunisienne que nous montre Mehdi Ben Attia. Il traine, comme un vieux rhume. Et à l’origine de ce malaise, dont nos nobles sociétés occidentales ne sont pas plus dépourvues, c’est la peur. La peur des hommes pour les femmes. De ne pas plaire, de ne pas être aimé. A cette peur irraisonnée, une même réponse, la répréhension, dont seules les modalités varient, qu’elle soit prononcée par la voie de l’Etat, de petits loubards au coin d’une ruelle ou d’un vieil intellectuel. L’interdiction, l’obligation et la violence.
Mais presque sans le savoir, sans en faire un combat, Amel résiste. Et à cette peur dangereuse, elle ne répond ni par la soumission, ni par la violence, mais par l’art. Une femme, photographiant de jeunes tunisiens, nus et heureux, offrant au passage une vision apaisée de la sexualité. L’air de rien, le film de Mehdi Ben Attia est formidablement politique. Il contient, en creux, un message : n’ayez pas peur.