Dans Julie (en 12 chapitres), le cinéaste norvégien, Joachim Trier, retrace la trajectoire d’une jeune trentenaire indécise, qu’incarne avec grâce la magistrale Renate Reinsve, Prix d’interprétation féminine à Cannes. Une mélopée mélancolique au charme lancinant.
Il y a des séquences qu’on ne peut oublier. Comme celle autour de laquelle tout un film semble graviter. Dans Julie en douze chapitres, elle intervient en son milieu, quand l’héroïne (Renate Reinsve, au charme renversant), dont le cœur balance entre deux hommes (Anders Danielsen Li et Herbert Nordrum), arrête le temps et court embrasser l’objet de son désir. Sur sa route, les passants ont stoppé leur mouvement, mais la scène reste organique : les figurants respirent, le vent fait onduler leurs cheveux, leur peau frémit encore. Ici, nulle image figée par un effet spécial, la vie continue de circuler malgré l’immobilité chorale, comme pour mieux donner à sentir l’énergie vitale de cette héroïne indomptable.
« Cette scène, c’est le fantasme romantique ultime », dit Joachim Trier. Dans un autre de ses films, Oslo 31 août, une séquence, elle aussi magnifique, fait écho à celle-ci : Anders, son héros, qu’incarne Anders Danielsen Li, observe et écoute les gens qui l’entourent dans un café. Celui qui s’apprête à déserter l’existence cherche à éprouver une ultime fois la pulsation du monde. L’instant culmine lorsque deux jeunes filles dressent la liste de leurs rêves. Présent, passé et futur, l’espace de quelques secondes, se confondent pour ne faire qu’un. C’est un pur instant de grâce. Un instant de cinéma.
Julie, l’oscillante, qui peine à choisir entre deux carrières, deux hommes et au bout du conte, parvient à s’ancrer, est le double inversé d’Anders dans Oslo 31 août. De plain-pied dans la vie, gourmande, enthousiaste, curieuse, amoureuse. Mais Julie et Anders semblent reliés par un dialogue secret, au carrefour de l’ombre et de la lumière, où se racontent la beauté de certaines rencontres, les joies du hasard, la fragilité de l’existence, et le caractère déterminant du timing des choses. C’est sur cette densité de propos que repose Julie (en douze chapitres), comédie dramatique, mi grave, mi légère, dont le pas sautillant, la photographie scintillante et l’interprétation impeccable lui confèrent un charme absolu.
Anne-Claire Cieutat