Larguée par son amant, sans un sou en poche, Paula se retrouve seule dans les rues de Paris. Paumée mais dynamique, elle tente à sa façon, souvent anarchique, de réinventer sa vie. Malgré une concurrence certaine (on pense notamment à Tesnota) parmi les premiers films présentés à Cannes cette année, Jeune femme est reparti couronné d’une Caméra d’or fort justifiée. Mise en lumière immédiate du talent de sa réalisatrice, Léonore Serraille, et de son incroyable comédienne, Laetitia Dosch, quasiment de tous les plans, Jeune femme a parfois été comparé à une autre révélation française de ces dernières années, La Bataille de Solférino de Justine Triet. Certes, Laetitia Dosch en tient à chaque fois le rôle principal et les deux films parviennent à trouver un équilibre très délicat, qui peut faire basculer, en toute justesse, une scène au ton cru et réaliste vers une forme d’imprévisible burlesque. Mais, là où le film de Justine Triet pâtissait du style sans apprêt pratiqué par sa réalisatrice (qui s’est depuis rattrapée avec le formidable Victoria), Jeune femme se montre immédiatement beaucoup plus riche dans sa mise en scène. Il peut toujours paraître un peu hâtif de convoquer les mânes de John Cassavetes, mais en l’occurrence, l’errance nocturne de Paula évoque à certains moments celle de Cosmo Vitelli dans Meurtre d’un bookmaker chinois. La façon que Léonore Serraille a de filmer la nuit, l’illustrant notamment par un superbe Las Vegas Tango de Gil Evans, et l’évidence du choix de Laetitia Dosch, véritable pilier sur lequel s’appuie sa mise en scène, rappellent parfois l’osmose créative entre Cassavetes et sa muse Ben Gazzara. Elles concourent également à faire de Jeune femme l’une des plus belles surprises prodiguées par le cinéma français ces dernières années.