Jackie

Réalisé par Pablo Larraín

À l’heure du tout-Instagram et du grand déballage, on se demande encore comment elle a fait. Comment Jackie Kennedy, dont la vie a défrayé la manchette, a su rester un mystère. Une femme dont chaque geste et expression a été disséqué, ce qui paradoxalement n’a fait qu’entretenir son opacité. Une star, à l’ancienne, peut-être une des dernières, dont la mise en lumière ne dévoilait que des ombres. C’est cette femme, contradictoire et forcément fascinante, aussi dure et cassante que ses manières aristocratiques pouvaient être onctueuses, dont Pablo Larraín (No, Pablo Manero…) fait le portrait, en l’articulant autour de l’entrevue qu’elle donna à Life quelques jours après l’assassinat de son mari en novembre 1963. Mais, comme toujours chez Larraín, même s’il déplace pour une première fois son regard sur une femme et hors du Chili, ce portrait n’est qu’un prétexte à soulever la grande question qui taraude son œuvre : comment agissent les cicatrices laissées par les grands traumas collectifs sur les individus ? Mais si Jackie n’était que ça…

Reconstitution historique passionnante et vivante, exercice de montage brillantissime, où une mosaïque de souvenirs construit une réflexion forte sur la place de cette femme dans le monde, exploration d’une névrose exacerbée par l’attention publique (il faut voir ces quelques plans cassavetiens sous la douche) et dialogues non loin du génie (le scénario du nouveau-venu Noah Oppenheim a été primé à Venise), Jackie offre encore à Natalie Portman l’occasion de se révéler, entre survulnérabilité et surcontrôle d’elle-même, transformant, probablement malgré elle, le rôle en miroir réfléchissant de la condition d’actrice. En bref, un film total.