C’est un titre qui sonne comme une promesse, une déclaration d’amour, une profession de foi. Il est, côté pile, une référence directe à une chanson de Céline Dion, dont la figure traverse l’ensemble du film à la manière d’un hologramme. Côté face, il évoque un pacte possible entre Leïla Bekhti et Géraldine Nakache, dont la force du lien à la ville comme à l’écran semble être leur meilleur rempart contre la mélancolie.
Disons-le d’emblée : J’irai où tu iras n’a pas l’énergie communicative de Tout ce qui brille, le premier film de Géraldine Nakache. Son scénario, pour un œil coutumier des salles obscures, manque parfois de relief. Mais, sous le vernis d’une comédie dramatique familiale, frémit une vraie sensibilité et se murmurent des vœux avec une pudeur qui attise le regard et l’écoute.
Dans les trois films écrits et réalisés par Géraldine Nakache (avec la complicité d’Hervé Mimran pour les deux premiers, Tout ce qui brille et Nous York), il est question d’un appel des sirènes, d’un monde trop loin ou trop grand qu’on voudrait pouvoir gagner, d’une terre scintillante où l’on rêverait de briller à son tour.
Le cinéma de Géraldine Nakache naît d’un regard aimanté vers un ailleurs désiré, d’une grande propension à l’admiration (la séquence du casting des choristes de Céline Dion contient quelques belles images de cinéma, où se racontent la beauté et la nécessité des rêves de chacun) et d’un sens inné de l’écoute. Car les dons d’imitatrice remarquables de cette comédienne, auteur et réalisatrice, en disent long sur son pouvoir empathique – elle sait, par exemple, imiter Agnès Jaoui à la perfection -, et ce qu’elle fait vocalement dans ce film atteste d’une oreille aiguisée et d’une faculté à épouser le geste d’autrui avec une précision d’orfèvre. Si elle semble s’être, un temps, réfugiée derrière le talent éblouissant des autres, tout chez elle dit la nécessité d’éclore à son tour dans un mélange d’appréhension et de confiance. Il y a de la fougue, de la foi et de la douceur combinées chez Géraldine Nakache, et cet alliage a du charme.
La dynamique de J’irai où tu iras repose tout entière sur la nécessité de se relier aux autres. Pas uniquement parce qu’il est question de deux sœurs qui cheminent vers la réconciliation, et d’une choriste qui rêve d’intégrer la troupe de son idole. Tout dans ce film, en surface ou en profondeur, raconte la beauté de ce qui peut unir deux êtres, même lointainement. Cela se niche dans de petits détails, dans un bâillement communicatif, dans une pierre supposée guérisseuse que l’on glisse dans une main avec espérance ou dans le regard avide d’attention qu’a le personnage tragi-comique de Pascale Arbillot, pétri de solitude.
Ce qui est beau à voir dans J’irai ou tu iras, c’est la manière dont Leïla Bekhti, dans le rôle de cette art-thérapeute gagnée par le désenchantement, ne vole jamais la vedette à Géraldine Nackache, et inversement. Ces deux-là sont au diapason. Elles s’écoutent. Leur plaisir de jouer ensemble est manifeste, mais s’en dégage quelque chose de plus puissant encore : le désir de s’accorder comme pour faire naître une unisson, une harmonie inspirante pour autrui.
Si J’irai ou tu iras n’est pas encore le grand film de son auteur, il témoigne de son amour intense pour ses parents (son père, en particulier, ici) et pour sa famille, de son feu intérieur et de sa sensibilité. Comme dans la séquence finale où se fait entendre le battement d’ailes d’un oiseau à un instant propice. L’air de rien, c’est un fonds de secrets que ce son laisse entrevoir. Car il y a des choses qui vont mieux sans les dire ou qu’on ne peut dire qu’en les taisant.