Un homme et un bébé. Il est à l’extérieur d’un engin spatial, vêtu d’une combinaison de cosmonaute, il répare la carlingue usée, s’échine. L’enfant babille dedans, devant un moniteur relié à l’homme, qui lui parle : « Papa est là… je reviens… ». Lorsqu’il retourne à l’intérieur, il prend dans ses bras sa fille. Les couloirs sont silencieux et déserts. Ils sont seuls, en mission, mais quelle mission ?
Il s’appelle Monte, il l’appelle Willow. Elle gazouille, tend les bras, bientôt elle fera ses premiers pas… Il la berce, lui parle, se parle aussi à lui-même. Il arrose les plantations qui leur permettent de subsister, répare ce qui peut être encore réparé dans ce vaste vaisseau qui semble tombé dans l’oubli. De temps à autre, sur l’ordinateur central il envoie un rapport, que quelqu’un à l’autre bout (mais quel bout ?) valide. Et puis, dans une chambre froide, des cadavres, plusieurs, des corps inertes d’hommes et de femmes, qu’il glisse dans des combinaisons d’astronautes avant de les faire basculer dans l’infini du cosmos.
Dans cette première partie d’une beauté plastique, tout est magnifique, étonnant, intriguant. On est happé immédiatement par ce qui lie ces deux êtres dans ce vaste vaisseau fantôme flottant dans le néant. Puis, les flashbacks affleurent comme les bulles à la surface de la conscience de Monte. Une voix off, la sienne, raconte. Ils étaient une poignée, des parias, des réprouvés, des monstres peut-être, condamnés à mort et envoyés sur orbite pour quelque expérience inavouable. Il ne reste plus que lui et elle, entre les huit membres de cet étrange équipage, des violences ont tout saccagé…
Pas plus que l’extraordinaire Trouble Everyday n’était un film d’horreur, High Life n’est un film de science-fiction. Au sens où les clichés et les codes n’y sont pas. Tant mieux ! Claire Denis se mesure aux genres pour mieux parler de l’humain, explorer ses failles et ses désirs, ses beautés et ses vilenies et « faire du cinéma ». Elle crée un monde à part… Robert Pattinson est époustouflant de bout en bout, et les autres personnages (dont deux femmes interprétées par deux actrices fascinantes, Agata Buzek et Mia Goth) gardent leur mystère. Si ce qui se joue entre les membres de l’équipage chapeautés par une Juliette Binoche échevelée en médecin doublée d’une « sorcière » avide de sexe et de procréation finit par moins nous intéresser après nous avoir désarçonnés, si le montage devient hasardeux et nous perd un peu en chemin, il reste dans High Life une originalité, une ambition, à nulles autres pareilles.