Gueule d’ange

Une enfance pas divine

Gueule d’ange, présenté en sélection Un Certain Regard à Cannes, envisage Marion Cotillard en mère inconséquente. Un premier long-métrage inégal, mais émouvant signé Vanessa Filho.

 

Décidément le céleste inspire. Gueule d’Ange est le premier long métrage de Vanessa Filho, 38 ans. À ne pas confondre avec L’Ange de Luis Ortega, lui aussi à l’affiche de la sélection parallèle cannoise Un Certain Regard. Dans sa manche, le film de la réalisatrice comporte un atout de choc, Marion Cotillard. Elle incarne Marlène, une jeune femme blonde platine, seins en avant, paillettes sur les paupières, sur le point de se marier, sous les yeux de sa fille Elli, dite Gueule d’Ange, 8 ans et le regard triste. Dès la fête de mariage, Marlène est surprise par son nouveau mari et sa fille en train de faire l’amour, débout dans la cuisine, avec l’un des invités… Son énième mariage capote avant même d’avoir commencé et Marlène noie son chagrin dans le vin blanc, suivi par le regard omniprésent d’Elli, qui trempe elle aussi de plus en plus souvent ses lèvres dans les verres qui traînent. Un soir, Marlène décide d’emmener Gueule d’ange en boîte. Draguée par un beau gosse sur le retour, la mère met sa fille dans un taxi pour qu’elle rentre dans leur petit appartement, et part avec sa nouvelle conquête. Livrée à elle même, la petite fille s’enfonce dans la violence et la transgression, et ne rêve que d’une chose : qu’on s’occupe d’elle.

Marion Cotillard dans Gueule d'ange de Vanessa Filho. Copyright Mars Films.

Par son jeu excessif, accentuant considérablement les travers de cette mère inconséquente, Marion Cotillard séduit et irrite tour à tour. Comme si la réalisatrice débutante, fascinée par son actrice charismatique, la laissait agir en roue libre, et semblait ne pas savoir comment la diriger rigoureusement. Malgré tout, dans ce rôle de cagole naïve et paumée, la comédienne parvient à nous embarquer dans ce drame et nous arrimer à son sort et celui de sa fille.

Le film se déroule aussi à niveau d’enfant : la caméra suit la petite fille qui elle même tente de suivre sa mère. Elli décidera pour survivre de renoncer à celle qui compte le plus pour elle et se choisit un papa, Julio, qu’interprète le remarquable Alban Lenoir.

Si sa réalisation est inégale (le film souffre de longueurs), Gueule d’ange touche par son sujet fort, l’abandon, le désir d’être aimé mais aussi celui de plaire, pour la mère et pour la petite fille. Vanessa Filho ne cherche pas à absoudre Marlène, ni à expliquer ses manquements et ses errances. C’est ce qui fait de Gueule d’ange un film qu’on garde en tête, puisque seules restent les émotions brutes.

 

Claire Steinlen