Dix-neuf ans après Incassable et trois ans après Split, M. Night Shyamalan tente d’offrir une suite cohérente à ces deux films très dissemblables. Le résultat, à la fois bancal et émouvant, vaut beaucoup pour le regard que porte le réalisateur sur ses comédiens, impeccables.
En 2000, à peine un an après le succès mondial de Sixième Sens, M. Night Shyamalan signe avec Incassable son plus beau film et une réflexion très pertinente sur la représentation du super-héros au cinéma. 2016 : après une carrière en dents de scie, Shyamalan revient en forme avec des projets aux budgets plus modestes chez le producteur Jason Blum. Un an après l’amusant The Visit, il réalise Split, thriller qui joue malicieusement avec l’esthétique du cinéma d’horreur et conclut son film par une pirouette qui le lie à Incassable, annonçant par la même occasion une suite commune à ces deux projets.
Voici donc Glass, dernier opus d’une trilogie aux deux premiers volets de tons et de sujets très dissemblables. Pour rassembler intrigues et personnages, le réalisateur enferme ses trois protagonistes (David Dunn et le Mr Glass d’Incassable, ainsi que le (multiple) Kevin Wendell Crumb de Split) dans un hôpital psychiatrique hautement surveillé et sous la houlette du docteur Ellie Staple (Sarah Paulson), qui cherche à prouver à travers ces trois patients que les super-héros ne sont que les créations d’esprits perturbés.
Le projet de Shyamalan est triple avec ce film : élaborer un divertissement prenant (comment nos prisonniers parviendront-ils à s’échapper d’un bâtiment ultrasécurisé ?), et offrir une réflexion sur le mythe du héros à l’heure de la domination du cinéma par les célèbres figures issues de l’écurie Marvel. Si la partie narrative du projet déçoit vraiment (le plan d’évasion diabolique conçu par Mr. Glass ne fonctionne que grâce aux trous béants du scénario d’un Shyamalan qu’on a connu plus rigoureux et plus inspiré), le volet esthétique fonctionne mieux. Mike Gioulakis et West Dylan Thordson, respectivement chef-opérateur et musicien de Split, reviennent à leurs postes sur Glass et parviennent à trouver une forme qui lie de façon cohérente les deux premiers volets d’une trilogie qui s’est étalée sur près de vingt ans. Mais c’est sur le plan théorique, à la fois naïf et d’une désarmante sincérité, que le film convainc le plus : loin des calculs cyniques de nombre de blockbusters contemporains où règne la petite blague, Glass se révèle un film assez déprimant, entièrement dédié à l’amour que Shyamalan porte à ses personnages et aux acteurs qui les incarnent. Face à un James McAvoy habité par Kevin Wendell Crumb, Samuel L. Jackson réendosse avec un plaisir communicatif le costume violet de Mr. Glass, quand Bruce Willis, après un trop long tunnel de navets, fait un retour modeste et émouvant en David Dunn.