Si la vie est un zoo, celle de Gaspard l’est au sens propre. De retour dans sa famille, il affronte ses peurs et ses sentiments dans cette (tragi)comédie revigorante et singulière.
Pour aller au (re)mariage de son père, un jeune homme embarque une inconnue croisée alors qu’elle s’était mêlée par hasard à des activistes sur une voie ferrée. On a vu plus sûr, comme accompagnante et garde-fou, que cette Laura fantasque et désinvolte qui semble aller où le vent la mène. Mais Gaspard, vingt cinq ans, n’en est pas à une anomalie près. Car il retrouve dans le zoo familial, qui périclite et va être vendu, parmi les lions, les girafes, les caribous à deux têtes et les petits poissons, son frère Virgil et sa sœur Coline, ainsi que leur géniteur, Max et la compagne et future épouse de celui-ci, Peggy.
Tous ont continué à vaquer tandis que Gaspard, jadis inventif et génial, s’est efforcé de devenir banal et de s’éloigner le plus possible de cette maison de fous. Coline, avec laquelle il entretient une relation fusionnelle, se promène sous une peau d’ours et grogne à l’arrivée de Laura qu’elle renifle furieusement ; un bébé tigre se balade dans la maison où trône, au-dessus de la cheminée, un squelette de cheval ; des chiens errant rôdent et attaquent les animaux…
Lumière chaude, cadres foisonnants de détails, musique douce-amère : ce film mosaïque, farfelu et émouvant a du coffre, et il le doit autant à son inventivité constante qu’à ses acteurs, venus d’horizons différents. Félix Moati, Laetitia Dosch, Guillaume Gouix, Christa Théret, Marina Foïs, Johan Heldenbergh habitent cette galaxie familiale en révolution constante. Le décor du film est sans cesse inattendu et grandiose, les sentiments à l’œuvre y sont originaux, étonnants, toujours juste. Pleins d’amour, certes, et de rancœurs, pleins de craintes de l’avenir et du dehors, pleins de tendresse aussi qui circule et se propage de l’un à l’autre. Il y a du trivial et du merveilleux dans ce conte réaliste sur la fin d’un monde (d’enfance), cette fantaisie mélancolique où les flèches qu’on décoche endorment les amoureuses et leur permettent de passer à autre chose.
Chaque fois qu’on croit tenir un fil narratif, il se casse net ou s’emmêle au suivant, pour mieux nous perdre et nous emporter au gré de quatre chapitres enluminés comme dans un livre de contes, qui font mine d’évoquer un personnage et mélangent en un maelström joyeux tous ces hommes et ces femmes si vivants, ces corps à l’animalité assumée, ces âmes humaines tourmentées et rigolardes.