Dans First Cow, la réalisatrice américaine Kelly Reichardt propose un buddy movie doublé d’un western crépusculaire, dans les contrées froides de l’Oregon du XIXe siècle. Un film singulier et touchant, qui nous projette, avec un réalisme poétique et stupéfiant, dans une époque lointaine.
Otis Figowitz dit Cookie tente de gagner sa vie en servant de cuisinier à des trappeurs de l’Oregon. Il rencontre King-Lu, un Chinois qui, lui aussi, rêve de faire fortune. Une grande amitié lie immédiatement ces deux hommes, qui ambitionnent d’ouvrir ensemble, loin des frimas du Nord, un hôtel à San Francisco. Quand la première vache du comté arrive chez le Chief Factor pour améliorer l’ordinaire, Cookie a l’idée d’aller la traire la nuit pour confectionner de délicieux biscuits, que les trappeurs, sevrés de douceurs, s’arrachent au marché…Mais le Chief Factor entend parler des deux hommes, leur propose de confectionner un clafoutis pour une réception et les ennuis commencent.
Mi-buddy movie attachant, mi-western crépusculaire, First Cow, de la réalisatrice américaine Kelly Reichardt (Wendy et Lucy, Night Moves, Certaines femmes) a été sélectionné en compétition officielle à la Berlinale 2020 et au Festival du cinéma américain de Deauville 2020. Il déjà été diffusé sur la plate-forme Mubi avant de sortir en salle au moment même où le Centre Pompidou lui consacre une rétrospective. Et c’est une chance, tant Kelly Reichardt est une magicienne, une alchimiste. Par un savant jeu de lumière, par ses cadres à juste distance, par sa direction d’acteurs – magnifiques John Magaro , Orion Lee et Toby Jones -, la cinéaste parvient à nous faire éprouver physiquement le rude quotidien de ses personnages dans l’Oregon du XIXe siècle. On sent le parfum de biscuit chaud qui s’échappe du four ; on frissonne dans la brume de l’aube, tandis que les deux compères volent le précieux lait ; on scintille sous les étoiles des nuits si froides des contrées américaines… Par son savoir-faire, elle nous propulse dans une époque lointaine, nous emporte dans un voyage spatio-temporel rarement vu au cinéma, et celui-ci nous fait toucher du doigt un réel éloigné ou un réel tout court. D’où l’intérêt de voir First Cow en salle, pour une expérience de cinéma aussi poétique qu’extraordinaire.
Anne Claire Cieutat et Claire Steinlen