Carla et moi de Nathan Silver

Vivre, ma foi…

Un chantre de synagogue endeuillé retrouve le goût de vivre grâce à une nouvelle élève, de vingt ans son aînée. Mélancolique et joyeux.

Ben Gottlieb (Jason Schwartzman, pataud et irrésistible) n’a pas de quoi rire : sa femme est morte des suites d’un accident stupide, il est retourné vivre chez sa mère et sa compagne, qui s’échinent à lui trouver une fiancée, et, pour couronner le tout, il a perdu sa voix. Lui qui officie comme chanteur à la synagogue aux côtés du rabbin Bruce y voit la malédiction ultime.
Qui sait si Carla a de quoi rire ? Veuve elle aussi, rarement visitée par son fils, sa belle-fille et ses petits-enfants, elle souhaite soudain faire sa bar-mitsvah sur le tard. Ben reconnaît en elle sa prof de chant, Madame Kessler. Mais Carla ne voit pas où est passé « Little Benny », le petit Benny souriant et heureux qui s’époumonait dans sa classe.
Il y a du Harold et Maude (Hal Ashby, 1971) dans ce joli film indépendant au ton désespérément rigolard. Soit un homme qui retrouve goût à la vie au contact d’une femme de vingt ans son aînée. Là où Harold et Maude était hanté par la mort et le goût du suicide, Carla et moi est traversé par la joie inextinguible du personnage de Carla, interprété par l’inénarrable Carol Kane (Hester Street, Annie Hall…. ), sorte de Woody Allen au féminin, à l’humour ravageur et à la répartie piquante.
La religion juive est au centre du film de Nathan Silver (C’est qui cette fille, 2018) et avec elle la foi, le rapport au monde, la culpabilité, le deuil. Mais c’est aussi le besoin de vivre sans contrainte, affranchi du regard des autres, qui s’affiche ici au gré de petites saynètes drolatiques, filmées au plus près des personnages et des visages et faisant la part belle aux dialogues incessants, souvent hilarants. Qu’est-ce que le bonheur si l’on ne brave pas les interdits ?

Isabelle Danel